Dis moi dix mots sur le podium

Farrebique (Georges ROUQUIER)

note: 3Farrebique Christiane - 1 février 2024

Si vous pouvez apprécier un film lent, si vous n'êtes pas rebutés par une bande son très mauvaise, mais si vous aimez la nature et le rythme des saisons, si vous vous intéressez au travail des hommes, alors il faut regarder ce film de 1946. Il a été tourné pendant un an par une équipe de cinéastes avec des acteurs non professionnels (un des premiers docufictions ?) Ce chef-d'œuvre de Georges Rouquier laisse une profonde impression. Il évoque "les travaux et les jours" d'une famille de paysans du Rouergue au cœur de l'Auvergne. Des scènes courtes montrent le déroulé immuable des saisons et les travaux agricoles. Le film reste une fiction mais les images sont authentiques, ainsi que le parler des paysans, mi-français, mi-occitan. Le lyrisme des images de la nature en noir et blanc, le dur travail, les épisodes de la vie familiale sont bouleversants, d'autant plus qu'il s'agit des derniers moments de la paysannerie traditionnelle : on découvre les jeux des enfants, la fabrication du pain, mais aussi les débats autour de l'arrivée de l'électricité... Mieux qu'un documentaire (d'ailleurs les aspects sociaux ne sont pas évoqués) le film évoque un monde disparu.
On pourra aussi découvrir la suite ("Biquefarre") que le cinéaste a tourné 38 ans après dans les mêmes lieux, quand les tracteurs, les pesticides et les réglementations européennes ont transformé les campagnes et le travail des hommes... mais trop souvent pour le pire.

Le petit bout manquant (Shel Silverstein)

note: 5Le petit bout manquant Christiane - 18 janvier 2024

Un album pour jeunes enfants ? non, un album pour tous : le sentiment de solitude, la recherche de l'amour, de l'amitié, la rencontre, la séparation... bref la vie ! L'histoire évoquée par Shel Silverstein, un Américain aux multiples talents, est devenue un classique qui traverse les époques et les pays. Pour ce faire, l'auteur a utilisé un dessin minimaliste en noir : une sorte de boule à qui il manque un morceau se met en quête de l'âme sœur. Les divers épisodes et rebondissements sont narrés de façon à être accessibles aux jeunes enfants, comme une comptine amusante à raconter. L'histoire est riche et complexe comme la vie : ça n'évolue pas toujours comme on l'attend. Mais la fin est pleine de sérénité et de sagesse. Un merveilleux album à partager entre petits et grands.

Jours de famine et de détresse (Neel Doff)

note: 5Jours de famine et de détresse Christiane - 3 octobre 2023

Ce récit est bouleversant : c'est une succession de petits tableaux évoquant la grande misère d'une famille à Amsterdam, à la fin du 19e siècle. L'auteure, Neel Doff, exorcise son enfance passée dans des taudis, aux prises avec la faim et les humiliations. La famille a 9 enfants, le père est veule et alcoolique, la mère est passive. Il revient à Keetje, la troisième de la lignée, d'assurer la subsistance des siens, et cela va aller jusqu'à la prostitution. La plupart des faits relatés sont autobiographiques, et c'est à l'âge de 50 ans que Neel Doff a rédigé ce texte, qui sera suivi de romans. Pourtant, le récit n'est ni sinistre, ni désespéré : il reflète le volonté de l'héroïne de s'en sortir, et c'est ce qu'a réussi l'auteure. Elle est intelligente, et la lecture lui permettra de s'ouvrir à la culture. Elle est belle, et sortira de son milieu en devenant modèle et amie de peintres. Sa vie sera par la suite celle d'une bourgeoise cultivée et d'une auteure connue. Mais jamais, celle qui parle le mieux de la misère, ne reniera son passé : elle restera l'amie des pauvres. Je ne comprends pas que cette grande féministe soit devenue aussi oubliée. Née aux Pays-Bas, de langue néerlandaise, elle a ensuite appris le français, et a écrit dans cette langue. Son style sobre, précis mais percutant, reste d'une grande modernité.

Lille, braderie (Laurent Champs-Massart)

note: 3Lille, braderie Christiane - 31 août 2023

Ce récit court, écrit en duo, est bien plaisant à lire : il plaira aux Nordistes, aux amateurs de récits policiers, et d'histoires familiales. J'ai trouvé que l'évocation de la célèbre braderie lilloise était bien réussie : à la fois très réaliste et empreinte de fantaisie et d'humour. On suit la journée d'une vendeuse novice, accompagnée de sa nièce adolescente, et des tentatives d'achat d'un antiquaire chevronné. Mais à travers leur incompréhension réciproque, se dévoile peu à peu une histoire familiale compliquée entre deux sœurs. Le collectionneur arrivera-t-il à combler sa quête, l'héroïne pourra-t-elle redémarrer une nouvelle vie? En touches légères, le récit suggère peu à peu des pistes pour comprendre les évènements passés, et laisse rêver à ce qui va pouvoir advenir. La lecture est fluide, mais avec un style bien maîtrisé.
Une réussite de plus pour cet excellent éditeur régional, les éditions Cours toujours, dont les livres allient souvent la fiction à des témoignages documentaires sur notre région.

L'enfant (Jules Vallès)

note: 4L'enfant Christiane - 15 août 2023

L'enfant, Le bachelier, L'insurgé : j'ai relu la trilogie romanesque mais largement autobiographique de Jules Vallès, qui m'avait vivement impressionnée à l'adolescence : encore mieux ! La force du propos est intacte, avec les souvenirs d'un enfant mal-aimé, dont les parents ne s'entendent guère. Avec aussi les souvenirs de l'école et du collège, et sa révolte devant les punitions, les châtiments corporels, et l'enseignement sclérosé où les élèves ne doivent qu'imiter les anciens auteurs classiques. Puis les galères à Paris du jeune diplômé qui ne trouve pas d'emploi (républicain et opposant à l'Empire, il refuse le serment qui lui ouvrirait les portes de l'enseignement). Sa vie de Bohême n'a rien de romantique, mais nul apitoiement sur lui-même, une auto-dérision souvent très drôle, assortie d'une grande empathie pour le peuple, particulièrement pour les plus faibles à son époque : les enfants, les vieillards et les femmes. Révolté pendant l'enfance, il devient encore plus révolté, jusqu'à devenir un membre important de la Commune, brève révolution des Parisiens, qui sera écrasée dans le sang. J'ai eu un peu de peine à lire au début le troisième tome consacré à la Commune, tant le style est haché, et comporte de nombreuses allusions aux évènements et protagonistes de l'époque que nous ne connaissons pas bien. J'ai appris par la préface que ce tome est resté inachevé. Mais on est vite happé par la vie haletante du récit : on a vraiment l'impression de vivre ces évènements tragiques au cœur de la mêlée : Jules Vallès, journaliste et homme politique, a un style inimitable et superbe, à la modernité surprenante. Sa plume est rapide et incisive, souvent féroce et terriblement efficace. Ses révoltes contre toute forme d'autorité sont sans nuances, mais toujours sincères, avec l'amour du peuple, et ce, dès l'enfance, quand il admire le travail d'un cordonnier et d'un forgeron, ce qui était incongru dans son milieu social bourgeois. J'ai vu aussi, que toute sa vie, qui fut assez brève, il est resté fidèle à ses convictions : son enterrement au Père-Lachaise a rassemblé 100 000 Parisiens.

Révolution n° 1
Liberté (Florent Grouazel)

note: 5Révolution, I :Liberté Christiane - 20 juillet 2023

Ce premier tome d'une série de romans graphiques consacrés à la Révolution de 1789 a été récompensé au festival d'Angoulême. Dès les premières images, on est happé par la violence de la première scène, une émeute de la faim cruellement réprimée. Mais c'est l'humanité qui est mise en avant, l'action étant vécue par un jeune miséreux (il se révèlera par la suite que c'est une fille). Avec un art totalement maîtrisé, les auteurs mêlent personnages historiques et personnages fictifs. Le déroulé de l'histoire est complexe, avec de nombreux personnages et des changements de scènes. pourtant dès le début, le lecteur n'est pas désorienté et on peut suivre parfaitement les péripéties : temps forts de l'Histoire et aventures personnelles. Les héros, qui ont une réelle épaisseur psychologique, nous deviennent très vite familiers. J'ai aimé particulièrement le personnage de Louise, petite servante perdue dans Paris, qui ne peut compter que sur elle-même pour subsister après avoir perdu sa place. Elle promène ses grands yeux effarés dans les rues où s'écrit l'Histoire. Mais rapidement aussi, elle évolue, se lie d'amitié avec d'autres femmes, actives dans les manifestations populaires. Tout est excellent dans cette bande dessinée : les dialogues sont époustouflants de justesse, les dessins vivants, et les décors, inspirés de documents d'époque, fabuleux. Périodiquement, une double page met merveilleusement en scène une grande scène de la Révolution avec d'innombrables personnages, sur fond de la magnifique architecture parisienne.
Le second tome est à hauteur du premier, on attend avec impatience les deux autres. Cette œuvre monumentale fera date et deviendra aussi un document sur la Révolution par la justesse et la richesse de sa vision de l'Histoire dans toute sa complexité.

Oeuvre non trouvée

note: 4L'amie prodigieuse Christiane - 14 juin 2023

Quelques années après être parue en livres, la tétralogie de la romancière italienne Elena Ferrante, qui a rencontré un grand succès international, a été adaptée en série. Je découvre que cette série fait l'objet d'un article élogieux dans la nouvelle édition de Universalia, parution annuelle de la célèbre encyclopaedia Universalis., une référence. On peut souvent craindre les adaptations filmées d'œuvres littéraires, mais il est sûr que cette série est une belle réussite ! D'abord par sa fidélité à une œuvre, vaste saga qui commence après la Seconde Guerre mondiale et s'étend jusqu'après l'an 2000. L'auteure y a veillé, en coscénarisant les textes. La reconstitution de la vie à Naples est soignée, dans les moindres détails, comme les costumes des acteurs. Les actrices qui interprètent les deux amies, d'abord pendant leur jeunesse, puis dans les années de maturité des jeunes femmes, sont excellentes. Les nombreux personnages qui les entourent sont justes. On est vite passionné par la richesse de cette histoire, qui évoque des destins individuels, mais aussi l'histoire italienne et celle particulièrement de la ville de Naples. Cela évoque les beaux films réalistes italiens, où on ne peut que s'émouvoir des joies et des peines des personnages, qui évoluent dans des paysages magnifiques, mais aussi des décors sordides où prolifère une maffia impitoyable. C'est aussi une grande œuvre féministe, qui rend compte des difficultés des femmes à s'affranchir du système patriarcal qui les rabaissent et les fait souffrir. Cette histoire d'amitié n'est pas un fleuve tranquille, car les tempéraments s'opposent souvent : c'est ce qui fait l'intérêt de l'histoire, où beaucoup de choses sont évoquées, mais aussi beaucoup sont suggérées. Quant aux personnages, ils ne sont pas d'une pièce, et évoluent, de même que leurs sentiments... Cette série réussit à donner vie à une belle œuvre de la littérature italienne.

Éloge du magasin (Vincent Chabault)

note: 4Eloge du magasin Christiane - 17 mai 2023

Ce petit livre a été remarqué - à juste titre - par la critique et a reçu des prix. Il annonce la couleur avec le sous-titre : "Contre l'amazonisation". En effet, le constat actuel est que le commerce est en crise, et subit, très vite, une profonde mutation avec de plus en plus d'achats sur Internet. Mais on est loin de la déploration d'un mode de vie, et d'accusations poujadistes ! L'auteur nous emmène faire le tour de commerces très différents et variés : le marché du dimanche, le black Friday, les hypermarchés, les bazars, les braderies, les foires au vin... et bien d'autres. Une vingtaine de chapitres rend très abordables les travaux de nombreux sociologues (la bibliographie donnée à la fin de l'ouvrage est impressionnante). Les aspects sociaux autour du commerce sont dévoilés, avec les échanges humains, la constitution de petites communautés qui se retrouvent et passent du temps ensemble. Rivés à leurs graphiques et à leurs chiffres, les économistes ont tendance à oublier cette nécessité fondamentale de toute société humaine. On a pu se rendre compte de cette importance de l'univers de la boutique au moment de l'épidémie de Covid.
Ce que j'ai apprécié dans cet ouvrage, c'est l'œil du sociologue, lucide, impartial et curieux de la diversité humaine. Et c'est surtout la très grande lisibilité du texte, qui se lit comme autant de petites histoires riches d'enseignement et de réflexion, Une qualité bien rare dans les ouvrages de sociologie : allier la rigueur scientifique, et la simplicité et la pédagogie de l'écriture, quel bonheur de lecture. Et, sur l'avenir de nos commerces préférés, restons raisonnablement optimistes !

Le grand A (Xavier Bétaucourt)

note: 5Le grand A Christiane - 5 avril 2023

Cette bande dessinée - ou plutôt ce roman graphique - nous fait découvrir l'environnement et les dessous d'un hypermarché, en l'occurrence le grand centre commercial Auchan de Noyelles-Godault, le plus grand de France. Si ce sujet ne semble pas très attrayant, je m'y suis intéressée car, originaire de ce coin du Pas-de-Calais, je connais l'endroit. J'ai lu d'une traite les 127 pages, avec un plaisir et un intérêt de plus en plus grand ! Deux récits sont proposés en alternance par les auteurs : l'évolution historique du commerce à travers les âges, et le fonctionnement de tous les aspects de l'hypermarché à travers ses différents secteurs (le parking, par exemple). Ce qui est extrêmement attachant, c'est que les différents chapitres sot réalisés comme des enquêtes auprès des différentes personnes concernées, employés et habitants. C'est ce point de vue profondément humain qui touche, car il permet l'expression de ressentis, et les différences des points de vue. De plus, l'humour, un humour tendre, est toujours présent, et les situations finement observées. L'évocation des descendants de Polonais, fidèles à leur "Polonia" est on ne peut plus juste ! Mais derrière cet humour, il y a aussi la mise en lumière de mécanismes économiques impitoyables, avec des explications accessibles même si on n'a que peu de notions de l'économie. Bref, on apprend plein de choses, on réfléchit sur la complexité de la société, et on partage les rires et les drames de toutes sortes de personnes. Une belle définition de la littérature, qui nous fait passer de bons moments et nous ouvre les yeux sur le monde et l'humanité...

Une princesse modèle (David Brunat)

note: 3Une princesse modèle Christiane - 2 février 2023

Entre roman et documentaire, l'auteur évoque l'histoire de Hélène Galitsine, princesse née dans une riche famille russe, contrainte avec sa famille à l'exil en 1920. Après un séjour en Italie, elle deviendra un des modèles de Matisse de 1935 à 1940 à Nice. Elle finira sa vie, qui fut assez courte, en Suisse. J'ai aimé ce court récit, qui se lit agréablement, léger et raffiné comme une coupe de champagne. L'ancienne princesse traverse des périodes difficiles, de la révolution russe à la Seconde Guerre mondiale, mais sans se plaindre, avec courage et bienveillance. Elle est cultivée, a le privilège d'avoir une famille bienveillante. Elle a aussi le courage de travailler avec énergie (elle devient couturière), elle est surtout ouverte à la beauté du monde, aux évolutions de son époque. Modèle du grand peintre, amie de Lydia Delectoskaya, qui fut sa muse, elle a aussi l'occasion d'échanger avec lui, et cette rencontre illumine sa vie. Mais le ton reste toujours élégant et léger, il n'y a pas d'apitoiement : pour cette héroïne, c'est toujours la beauté et l'amour qui restent... Une jolie leçon de vie, sur fond d'histoire et d'art, à taille humaine.




Les livres de Jakób (Olga Tokarczuk)

note: 5Les livres de Jakob Christiane - 7 décembre 2022

Attention, chef-d'œuvre ! 1 000 pages évoquent la Pologne du 18e siècle à travers la vie d'un personnage historique, Jakob Frank, qui fut le chef (véritable gourou pourrait-on dire) d'une secte d'origine juive, convertie au christianisme. Une multitude de personnages sont évoqués : aristocrates et dignitaires de l'église, juifs enrichis, érudits, paysans, et aussi beaucoup de femmes et leurs travaux indispensables, du haut en bas de l'échelle sociale. On découvre les châteaux (mal chauffés), et des cabanes misérables, les vêtements cosmopolites des personnages, leurs repas. On assiste à des débats religieux ou philosophiques, mais on parle aussi beaucoup du pouvoir de l'argent, Il y a des amitiés fidèles, de l'amour et des trahisons, et aussi de nombreux voyages à travers l'Europe centrale, aux confins des influences chrétienne, juive et islamique. Aucun personnage n'est noir ou blanc, tous évoluent, ont des faiblesses. L'auteure, pleine de sagesse et d'un zeste d'humour, observe toute cette humanité avec bienveillance, comme l'étrange personnage qui réapparait tout au long du roman, un vieille femme qui n'arrive pas à mourir, et peut observer de très haut les humains s'agiter.
Le roman, foisonnant et long, n'est pas facile à lire : personnellement, j'ai préféré le lire par petits morceaux. Le découpage en tout petits chapitres facilite ce type de lecture, en tout cas lecture qu'on ne regrettera pas. L'auteure, qui est passée par notre région avec un séjour à la Villa Yourcenar, y a aussi des attaches familiales. Elle a reçu le Prix Nobel, ce qui est mérité. Pour moi, elle restera parmi les plus grands auteurs, comme Marguerite Yourcenar ou Salman Rushdie.

Marzi n° 1 (Sylvain Savoia)

note: 4Marzi, la Pologne vue par les yeux d'une enfant Christiane - 19 novembre 2022

Cette bande dessinée est constituée d'une série de saynètes qui évoquent la vie des Polonais dans les années 1980. Marzi est une petite fille qui grandit, qui observe. Elle se questionne beaucoup, mais surtout veut vivre sa vie, dans son immeuble, avec ses parents, avec ses amis, à l'école, et aussi à la campagne dans sa famille... Et nous découvrons la vie des Polonais ordinaires soumis aux rationnements et à la surveillance d'un régime pas très sympathique. Malgré tout les voisins s'entraident, et la débrouille permet parfois de vivre mieux, Et il y a aussi un grand désir de démocratie, avec le mouvement Solidarnocz qui émerge... Et comme partout, il y a des amitiés, des incompréhensions, des trahisons, des moments de bonheur ou des déboires dont on rira après.
J'ai appris que cette bande dessinée était le fruit d'une collaboration entre un dessinateur français et son épouse d'origine polonaise : le dessin est très bon, minimaliste mais très dynamique et expressif, et les souvenirs de Marzi authentiques. Le lecteur apprend, s'émeut à ce beau partage, qui fait mieux connaître l'histoire récente d'un pays proche, mais pas tellement connu. Et surtout les anecdotes ont une dimension humaine qui nous ont fait aimer cette merveilleuse petite fille.
La bande dessinée (qui est parue dans Spirou) peut s'adresser aux plus grands, comme aux très jeunes, avec une lecture qui peut se faire à plusieurs niveaux, entre humour et émotion.

Capitaine Hornblower n° 1 (Cecil Scott Forester)

note: 4Capitaine Hornblower Christiane - 1 novembre 2022

Ce volume regroupe les 5 premières aventures maritimes d'un héros très sympathique et terriblement "british", Horace Hornblower. 5 autres histoires suivront, qui verront le modeste aspirant devenir Capitaine et finir amiral de la marine britannique. L'histoire se passe au début du 19e siècle, grande époque de la marine à voile, au moment des guerres napoléoniennes. Ces récits raviront les amateurs d'aventures et d'histoire, mais aussi tous les publics. Le héros est astucieux et courageux. Voyages lointains, combats, revers ou victoires, mais aussi vie sociale, et vie sentimentale : l'action s'enchaîne sans faiblir. Mais surtout Hornblower est très humain, il doute parfois, s'interroge souvent, est aux prises avec des scrupules et parfois mal à l'aise dans la société de castes de son époque.
La vie à bord est relatée d'une manière très réaliste, et on apprend quantité de choses sur la marine à voile, sur fond de la dureté du sort des marins, et aussi des luttes intestines des officiers à bord, mais il y a aussi la solidarité des hommes et la grandeur du milieu maritime. L'humour n'est jamais loin, quand l'auteur nous fait partager les réflexions de son héros.
Dix histoires, cela peut paraître long, mais le style agréable à lire de l'auteur et les péripéties fait qu'on les dévore. D'autre part, les récits, très populaires Outre-Manche, présentent un dépaysement pour les lecteurs français : au temps de Napoléon, ce sont les Français les ennemis, et Hornblower parvient souvent à les tromper !

Printemps silencieux (Rachel Carson)

note: 5Printemps silencieux Christiane - 28 septembre 2022

Ce livre, paru aux Etats-Unis en 1962, et traduit en français l'année suivante, méritait bien une nouvelle édition, car il n'a rien perdu de sa pertinence. L'auteure, Rachel Carson, scientifique et journaliste, peut être considérée comme une première lanceuse d'alerte : elle dénonce les ravages causés par l'emploi massif du D.D.T. après la Seconde Guerre mondiale. Il s'agit d'un puissant insecticide qui a causé d'énormes ravages sur la faune et la flore... et sur l'homme. Son action aboutira quelques années après, à son interdiction. Dans les régions traitées, le printemps est devenu silencieux, parce que les oiseaux sont morts... Je conseille vivement de découvrir ce livre : loin d'être un plaidoyer ennuyeux ou un traité scientifique aride, c'est un beau texte lumineux, plein d'émotion devant les beautés de la nature, d'empathie pour une humanité plus heureuse, qui se lit facilement, et éclaire nos connaissances des grands équilibres à préserver. Je comparerais Rachel Carson à un autre scientifique, Hubert Reeves, excellent vulgarisateur et grand humaniste cultivé.
Cette réédition est enrichie d'une présentation illustrée de l'action de l'auteure, malheureusement disparue trop tôt, victime d'un cancer. On peut considérer que les travaux de Rachel Carson constituent le départ d'une prise de conscience de l'importance de la relation de l'homme avec la nature : le travail se poursuit...

Devdas (Sanjay Leela Bhansali)

note: 4Devdas Christiane - 5 septembre 2022

A n'en pas douter, c'est le meilleur film du cinéma de "Bollywood", et même si on se sent peu attiré par la romance, les danses et les chansons indiennes, on ne peut qu'être envoûté par cette belle histoire et ce magnifique spectacle. C'est une version indienne de l'éternelle histoire de Roméo et Juliette, adaptation d'un roman écrit en 1917. Deux jeunes gens, qui sont voisins, Devdas et Parati (Paro) s'aiment, mais ils sont séparés : Devdas doit partir étudier à Londres. Quand ils peuvent se retrouver, sa famille plus riche s'oppose à son mariage avec la jeune Paro, qui est de condition sociale inférieure. Mais là où Roméo et Juliette - même si leur histoire se termine mal - revendiquent leur liberté, Devdas et Paro se soumettent à leur famille, avec un mariage riche mais malheureux pour Paro et la soumission de Devdas à son père, qui cause son désespoir et l'amènera à la déchéance : l'histoire est ancrée dans la société indienne (l'importance des castes, le poids de la famille), mais l'amour indestructible de Devdas et Paro est universel...
Le spectateur est emporté dans un tourbillon de danses et de musique, avec des scènes bouleversantes où les acteurs font passer toute l'émotion de l'histoire. L'actrice Aishhwarya Rai est d'une beauté rayonnante, et les décors et costumes, où la couleur rouge domine, sont splendides. Les codes du cinéma occidental sont vite oubliés après les premières scènes et on ne s'ennuie pas pendant les 3 H 05 que dure le film : un splendide dépaysement !

Voyage avec un âne dans les Cévennes (Robert Louis Stevenson)

note: 5Voyages avec un âne dans les Cévennes Christiane - 12 août 2022

J'ai redécouvert ce grand classique du récit de voyage à travers cette version à écouter, très bien dite par Bernard Petit, qui fait vivre le texte. Robert-Louis Stevenson, alors au tout début de sa grande carrière d'écrivain, se trouve à un tournant de sa vie, et entreprend pour se ressourcer un voyage en solitaire de 12 jours à pied, à travers les Cévennes, à une époque où le tourisme y était encore inconnu. Accompagné d'une ânesse, Modestine, qui porte ses bagages, il découvre des paysages sublimes, fait des rencontres enrichissantes dans une région dont il connait l'histoire tourmentée au temps de la persécution des protestants, et aussi réfléchit beaucoup, sur lui et sur la vie. Son récit est dit avec des mots simples, mais très profonds : l'écouter permet encore mieux d'entrer en communication avec une personnalité très attachante. Le texte est resté très actuel, il est aussi empreint de beaucoup d'humour, et les démêlés pour faire avancer Modestine, puis vivre avec elle, sont devenus légendaires.
Cette belle histoire a donné lieu à la création d'un itinéraire de randonnée, qui comporte beaucoup de succès !
Après ce voyage, Stevenson en fera bien d'autres, plus lointains, et écrira d'immortels chefs-d'œuvre, il pourra aussi résoudre les difficultés qui étaient les siennes à l'époque et épouser la femme de sa vie. Par la magie de son récit, c'est un privilège de pouvoir, longtemps après, l'accompagner un moment et s'enrichir de sa belle expérience.

Notre âme ne peut pas mourir (Taras Chevtchenko)

note: 5Notre âme ne peut pas mourir Christiane - 29 juillet 2022

Les éditions Seghers ont pris l'excellente initiative de rééditer cette anthologie de poèmes du grand poète ukrainien Taras Chevtchenko. C'est un autre poète, Guillevic, qui les a aussi bien traduits : pas facile de traduire de la poésie ! En Ukraine, Chevtchenko est considéré comme l'est notre Victor Hugo. Au XIXe siècle, son parcours n'a pas été facile, car il était né dans la servitude. Dans ses poèmes, il a évoqué les gens simples et la beauté de son pays. Il a défendu avec passion la liberté face au despotisme du tsar Nicolas (pour cela, il a été persécuté et emprisonné). Il l'a fait avec des mots simples et puissants, écrits avec lyrisme et humanisme. Et surtout sa poésie garde son actualité. Au contraire de certains poètes du passé, dont les strophes sont devenues à nos yeux emphatiques et bavardes, la poésie de Chevtchenko a gardé sa fraicheur et parle à tous. Elle a aussi des résonances très actuelles. A l'heure de la guerre cruelle qui ravage l'Ukraine, des paroles pourraient avoir été écrites aujourd'hui : je les ai lues avec beaucoup d'émotion.

Les aventures de Blake et Mortimer n° 8
SOS météores (Edgar Pierre Jacobs)

note: 3S.O.S. Météores Christiane - 24 juin 2022

Ayant entrepris la lecture de la série "Blake et Mortimer", classique de la bande dessinée belge que je n'avais pas lu, j'ai découvert dans "S.O.S. Météores" un thème tristement d'actualité, le dérèglement climatique. Pluies diluviennes et inondations, tempêtes de neige, averses catastrophiques de grêlons énormes... affectent la région parisienne et la France. Aussi, nos deux héros, le capitaine Blake du contre-espionnage britannique, et le Professeur Mortimer, reprennent du service et s'affrontent aux manigances de leur vieil ennemi, le colonel Olrik, au service de puissances étrangères malveillantes. Ce sont en effet des machines diaboliques qui dérèglent le climat pour déstabiliser le pays.
Les dialogues qui apportent de nombreuses explications apparaissent plutôt bavards à l'heure actuelle, et des personnages sont sans nuances : gendarmes naïfs, serviteurs dévoués, professeurs omniscients... Mais les 64 pages se lisent avec un intérêt constant, grâce aux rebondissements incessants et au dynamisme de l'action, grâce aussi à la perfection de la technique : dessin minimaliste mais extraordinairement évocateur (chef-d'œuvre de la ligne claire belge), couleurs primaires mais utilisées justement, et toujours le mouvement et la vie. Le mélange entre un réalisme exact et une science-fiction imaginative est très réussi. De plus l'exactitude géographique des lieux évoqués est présente. Avec leur flegme tout britannique, nos deux héros incarnent aussi des valeurs bien réconfortantes : l'amitié, le courage, la persévérance, et aussi un zeste d'humour : By Jove !
Les héros ne meurent jamais : cette série a enchanté des générations et de nombreux scénaristes et dessinateurs l'ont poursuivie pour notre plus grand bonheur !

Journal de Fernand Turlotte (Fernand Turlotte)

note: 5Journal de Fernand Turlotte Christiane - 1 mai 2022

La lecture du journal écrit par Fernand Turlotte, directeur de la Banque de France au Cateau pendant la Grande Guerre m’a permis de mieux comprendre cette période d’occupation. En partageant, pendant plus de 500 pages, le quotidien de ce notable, isolé de sa famille, en proie aux inquiétudes, à l’angoisse et aux difficultés de la survie quotidienne, on apprend à le connaître, on voit par son intermédiaire la vie des Catésiens, de manière très concrète.
Ce notable imprégné de conscience professionnelle, est familier d’autres notables, mais observe avec justesse les souffrances des plus pauvres. Son récit est précis, sobre et honnête, reflétant une personnalité cultivée, observatrice et sensible (il évoque souvent son chagrin d’être séparé de son épouse et de son fils). S’il souffre, il reste lucide et ne s’apitoie pas sur son sort, mais essaie de « tenir » jusqu’à la fin de la guerre, confiant dans la victoire.
Ce que j’ai apprécié aussi, c’est l’absence totale de haine pour le peuple allemand, la courtoisie quand il rencontre des militaires allemands humains et polis, mais aussi la lucidité sur les comportements de certains Français profiteurs de guerre. De tels témoignages sont précieux pour une histoire plus vraie que dans les articles de journaux ou les communiqués militaires, et prennent toute leur signification à un moment où nous sommes touchés par les souffrances du peuple ukrainien. C’est son arrière petit-fils qui a réalisé cet important travail de retranscription des cahiers conservés par la famille pour nous permettre cette belle découverte, plus de cent années après.

Terrils tout partout (Fanny Chiarello)

note: 3Terrils tout partout Christiane - 11 février 2022

Roman, récit d'introspection, documentaire sur les terrils du Nord, enquête sociologique sur le pays noir... un petit livre inclassable ! petit mais profond par ce qu'il évoque, et l'inépuisable richesse de son contenu. D'une écriture exigeante (tout en sachant rester parfaitement abordable), il se lit facilement, mais après l'avoir lu une fois, je sais que j'y reviendrai. Bien sûr, étant originaire du "pays noir", je me sens concernée. Les paysages miniers si particuliers font partie de moi, et j'apprécie qu'ils aient pu être inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco, cela a permis de les redécouvrir et ce n'est pas fini. Mais c'est surtout une histoire avant tout humaine, qui continue son cours au XXIe siècle. Dans ce petit volume à la présentation très soignée, l'auteure parvient à faire partager beaucoup d'émotion et de réflexion. Il faut aussi souligner la qualité de son écriture, ciselée, précise, mais non dénuée d'humour.

Prémices de la chute (Frédéric Paulin)

note: 3Prémices de la chute Christiane - 13 janvier 2022

Parmi les nombreux romans policiers qui envahissent la littérature contemporaine, le roman de Frédéric Paulin se distingue par la noirceur et la force de son thème (le terrorisme islamique mondial) et par son écriture remarquable, concise et efficace. L'histoire commence à Roubaix, sur fond de policiers fatigués et de petits malfrats qui dérapent. Le héros, jeune journaliste ambitieux, n'est pas très positif, en menant une enquête brouillonne et faillible. Mais peu à peu, l'histoire et le cadre de l'intrigue s'élargissent, en dévoilant peu à peu la gangrène terroriste à travers le monde entier. Le roman est aussi très riche sur le plan humain en évoquant toute une galerie de personnages en demi-teintes, qui se cherchent, et parfois se trouvent pour vivre leur vie. La qualité littéraire de l'écriture est remarquable, toute en sobriété, comme Simenon, sans un mot inutile, mais toujours au plus juste. Plus qu'un roman policier, l'auteur rend compte de l'histoire qui s'écrit aujourd'hui.

La villa Cavrois (Paul-Hervé Parsy)

note: 4La villa Cavrois Christiane - 19 novembre 2021

Je n'ai pas encore eu l'occasion de visiter la villa Cavrois, qui avait été laissée à l'abandon, mais désormais superbement réaménagée à Croix. Afin de préparer une visite, j'ai lu cet opuscule que j'ai trouvé, malgré sa taille réduite, très documenté et complet. On comprend bien l'histoire de sa construction, les différents acteurs de cette réalisation novatrice, et tous les aspects, y compris les jardins. Les illustrations sont pertinentes et le texte facile à lire et très clair. Mais j'ai trouvé aussi que cette brochure est très riche, car elle peut aussi susciter de nombreuses réflexions sur la vie d'une famille riche dans la première moitié du XXe siècle, sur la conception du travail d'architecte, sur la qualité du travail effectué par les artisans, et aussi sur le devenir et la transmission d'œuvres réalisées... Certains détails évoqués sont étonnants, comme cet escalier et ces pièces réservés aux enfants (quelle vie de famille ?), ce local à côté des garages pour véhicules, réservé au stockage des malles pour les voyages ou croisières. Plus généralement, on peut aussi s'interroger sur les moyens de pouvoir réaliser ses rêves, à une époque où les ouvriers du textile s'entassaient dans les courées...

Une aventure d'Astérix n° 39
Astérix et le griffon (Jean-Yves Ferri)

note: 3Astérix et le griffon Christiane - 27 octobre 2021

Poursuivre une série aussi prestigieuse (tome 39 !) est un pari risqué pour les nouveaux auteurs. Si au départ, j'étais un peu sceptique, j'avoue que j'ai apprécié la découverte de cette nouvelle aventure. Astérix et Obélix a été ma première découverte de la bande dessinée, et j'ai gardé de bons souvenirs des rires partagés en famille... l'esprit de cet album et les dessins restent fidèles aux Gaulois, sans surprises. L'humour est gentil et s'exerce sur tous les personnages. J'ai trouvé aussi qu'il y avait quelques trouvailles pour de nouveaux noms, comme "Fakenius", et un humour renouvelé, comme notre société. Si le personnage d'Astérix apparait un peu effacé, on ne peut pas lui en vouloir, car sous le climat "sarmate", sa potion magique a gelé et perdu ses propriétés. Heureusement il y a Obélix, devenu très sentimental. Les Amazones sarmates sont bien sûr bien dans le goût du jour, en redonnant une place prépondérante aux femmes, mais elles sont joliment croquées. Au vu du titre, je redoutais aussi l'introduction d'un griffon, mais rassurons-nous, la BD ne s'aventure pas dans le fantastique, et la recherche du griffon est plutôt un prétexte. Une bonne bande dessinée de détente qu'on pourra partager avec plaisir en famille.

Abélard ou les errances de trois voyageurs solitaires (Régis Hautière)

note: 4Abélard ou les errances de trois voyageurs solitaires Christiane - 22 octobre 2021

Ce roman graphique qui réunit deux histoires est un conte philosophique et une vraie réussite ! C'est une bande dessinée animalière où l'ours Gaston - un vrai cœur d'artichaut ! - rencontre le naïf et gentil Abélard, un poussin parti décrocher la lune pour une belle. Hélas l'aventure maritime vers l'Amérique aura une triste fin. Dans la deuxième histoire, Gaston se trouve en charge d'un orphelin pas facile, le jeune Alvin, et les deux vont devoir affronter le racisme et l'intolérance dans le Sud des Etats-Unis. Gaston garde le souvenir de son ami Abélard, il a aussi conservé son chapeau magique, qui délivre tous les jours une feuille de papier contenant un petite maxime philosophique. Cette histoire fantastique qui met en scène des naufragés de la vie contient un réalisme profond par la description d'un monde où l'amitié doit affronter les forces du mal. Les dialogues de Régis Hautière sont admirables : on suit très bien l'histoire, narrée avec sensibilité et espièglerie, mais il y a aussi des non-dits suggérés qui créent une atmosphère très prenante. Les dessins de Renaud Dillies m'ont peu attirée dans un premier temps, mais ils se révèlent vite très originaux.et correspondent parfaitement à l'histoire, de même que les couleurs. C'est une histoire qui par son contenu s'adresse aux adultes et qui bouleversera les âmes sensibles : même s'il disparait, on ne peut oublier le merveilleux petit Abélard... Pour caractériser cet album, je dirai qu'il relève de l'univers du "réalisme poétique".

Esther Andersen (Timothée de Fombelle)

note: 5Esther Andersen Christiane - 22 septembre 2021

Un grand coup de cœur pour le dernier album de Timothée de Fombelle, auteur apprécié de romans pour la jeunesse (et pour les adultes aussi !). "C'étaient les vacances"...Un jeune garçon les passe à la campagne, chez son oncle Angelo, sympathique personnage qui lui laisse toute liberté. Il fait de grandes balades en vélo, et un jour qu'il s'aventure plus loin, il découvre... la mer. Sur la plage, il fait la rencontre d'une fille, ce qui va tout changer pour lui. L'histoire évoque en se donnant le temps, avec infiniment de sensibilité et de profondeur, la poésie et la force de ces premières émotions, la quête pour retrouver son amie, la complicité, la tendresse de l'oncle... Le texte est simple et bref, mais très profond et si juste ! il ne peut que toucher tout le monde : on passe un merveilleux moment. De plus une très jolie illustration (Irène Bonacina, en état de grâce) est en parfaite résonance avec l'histoire. Les dessins légers et les traits d'aquarelle participent à l'histoire et se dégustent avec gourmandise, chaque détail étant parfaitement utile, et les personnages expressifs, le tout toujours avec légèreté. Comme pour le jeune héros, cet album laisse un beau souvenir laissant entrevoir "la fraiche beauté du monde" évoquée par Matisse.

Pique-nique à Hanging Rock (Joan Lindsay)

note: 4Pique-nique à Hanging Rock Christiane - 12 août 2021

Ce roman se passe en Australie où il est très connu, et commence comme une romance ayant pour cadre un pensionnat de jeunes filles de la bonne société. Elles partent pour une journée de pique-nique dans un site réputé pour son paysage rocheux, Hanging Rock. Papotages de filles, bonnes manières et frivolités... Mais en fin d'après-midi, quand il faut rentrer, trois jeunes filles manquent à l'appel.
Le reste du roman décrit l'enquête, qui piétine et se heurte à une énigme, ainsi que l'ambiance feutrée du pensionnat dirigé par une sévère directrice (qui cache bien son jeu), où rien ne se dit, où le poids des conventions sociales pèse sur les enseignantes, les serviteurs, mais où on devine qu'il y a bien des rivalités cachées et des ambitions déçues. Du début à la fin, l'ambiance reste mystérieuse, beaucoup de pistes sont suggérées, mais aucune explication claire n'intervient. C'est ce qui fait le charme, parfois un peu irritant du roman, car le lecteur n'a pas d'explication rationnelle, mais des pistes qui posent question; aussi on n'oublie pas cette histoire... Le style est intéressant, avec des touches d'humour assez noir, et de belles évocations poétiques de la nature. Les personnages conservent un part de mystère, et évoluent dans un univers corseté, qu'ils veulent ordonner comme les parterres autour du pensionnat, sans voir la splendeur du vrai pays et la vraie nature des personnes. Un roman simple en apparence, mais qui ouvre des gouffres vertigineux !.

Gilgamesh, roi d'Ourouk (Robert Silverberg)

note: 4Gilgamesh roi d'Ourouk Christiane - 16 juillet 2021

Roman historique, fantastique, d'aventures... l'adaptation romanesque d'une légende très ancienne de la Mésopotamie est une réussite ! Fidèle au récit ancien qui nous est parvenu, fragmentaire, sur des tablettes d'argile, et qui est considéré comme la première œuvre littéraire, le livre se lit aussi comme un roman actuel. L'histoire de ce formidable héros ambitieux et violent, débordant d'énergie, qui finit par lasser sa population et s'attirer la colère des dieux, est toujours actuelle. Et quand la mort prématurée de son ami Enkidu lui fait comprendre la fragilité de la condition humaine, Il se révolte et se met en quête de l'immortalité : dans ce voyage périlleux, il va devoir se dépouiller de tout et aller au-delà de ses limites. La fin de l'histoire est riche de réflexions. Gilgamesh a trouvé une réponse, puis la perd...mais parvint à acquérir une sagesse nouvelle qui lui donne l'apaisement, et guide le règne d'un grand roi. Une très belle histoire qui inspire à nouveau des créateurs contemporains.

Oeuvre non trouvée

note: 4Fénelon l'insurgé Christiane - 8 juin 2021

Je ne lis pas souvent des biographies mais comme le personnage de Fénelon m'intéresse... et que le livre de Georges Poisson paru récemment n'est pas trop gros, je l'ai lu et il m'a beaucoup plu. Style agréable et facile à lire, et surtout un décryptage du personnage intelligent et pertinent. J'ai vu que l'auteur, spécialiste du XVIIe siècle a déjà une quarantaine d'ouvrages historiques à son actif. En effet, sa présentation est parfaitement maîtrisée, allant à l'essentiel, donnant des clefs pour comprendre le personnage, Et surtout, il ne se lance pas dans des interprétations hasardeuses sur les choix de Fénelon ou sa psychologie, tout ce qui est dit est étayé sur des documents historiques, ainsi que sur une solide connaissance de l'époque. Aussi, quel plaisir de connaître mieux le personnage, fidèle à son origine aristocratique mais précurseur et en avance sur son temps, sensible, cultivé et fidèle à ses convictions : pas étonnant qu'il ait laissé une telle empreinte dans l'Histoire et la littérature. Ce petit livre, essentiel, est un modèle de biographie.

Hauts-de-France, le voyage (Bruno Vouters)

note: 5Hauts-de-France, le voyage Christiane - 15 mai 2021

Je conseille vivement la découverte de ce livre à tous ceux qui s'intéressent à notre région. Ce n'est pas un guide de plus décrivant les sites naturels et patrimoniaux, et proposant des circuits de randonnée. C'est beaucoup plus : c'est l'approche d'un ancien journaliste et homme de culture, qui connait admirablement la région, qui la découvre et la redécouvre dans sa nouvelle dimension (la Picardie), qui l'aime et la fait aimer, qui veut la comprendre et comprendre sa population dans sa diversité, qui rêve à son avenir, conscient de ses atouts et de ses faiblesses. Le vrai voyage... à travers des approches multiples, grâce à quelques complices, avec beaucoup d'empathie pour les hommes et les femmes du Nord, beaucoup de curiosité, pour aller au-delà des apparences et des idées toutes faites et une grande culture du passé et du présent. La précision des données, quand il s'agit d'économie par exemple, s'accompagne de poésie, d'art et d'histoire. Le livre s'intéresse aussi à tous les aspects de la région, à travers quatre grands circuits. Il est abondamment illustré et s'enrichit de multiples collaborations. Tout au long de sa lecture, on a l'impression d'entrer en conversation avec son auteur, grâce à son érudition et son émotion, mais toujours avec pédagogie et simplicité..

Peau d'âme (Pierre-Oscar LEVY)

note: 3Peau d'âme Christiane - 26 mars 2021

Ayant aperçu par hasard ce DVD, le projet décrit par le film m'a paru tellement original, que j'ai souhaité le regarder, et comme en plus j'aime beaucoup le conte et le joli film Peau d'âne, qui m'avait laissé de beaux souvenirs, et dont il s'inspire... Une équipe d'archéologues applique ses méthodes de travail scientifique pour fouiller... le site boisé où a eu lieu le tournage de Peau d'âne. Et ils vont trouver, pas si facilement que ça, des vestiges disparates des décors et du tournage (des paillettes des costumes par exemple). Il y a aussi des réflexions et des recherches sur le conte et le cinéma. C'est un film assez lent, qui fait réfléchir peu à peu (et longtemps après), sur les traces qu'on laisse, sur les traces qu'on trouve. Sur l'illusion créée dans un film, quand il ne reste que des éléments de décor en polystyrène, alors que nous avions cru voir une magnifique fontaine ancienne. Et que dire de la négligence humaine, qui abandonne à peu près n'importe quoi dans la forêt quand le tournage est terminé ! Les archéologues du futur trouveront beaucoup de plastique. On peut aussi réfléchir à la forte signification du conte, avec la question de l'inceste. Bref, beaucoup de pistes de réflexions, dont les réponses sont à chercher par le spectateur : c'est un film pour amateurs curieux d'histoire, de contes, et qui prennent le temps d'être surpris et de se cultiver.

Des cueillettes et des hommes (Jean-Baptiste COKELAER)

note: 5Des cueillettes et des hommes Christiane - 29 janvier 2021

Depuis plusieurs années Jean-Baptiste Cokelaer, pharmacien au Cateau et mycologue averti, partage, avec générosité et un enthousiasme communicatif ses connaissances et ses trouvailles sur les champignons et les plantes sauvages, en organisant sorties, conférences, et en utilisant aussi la communication sur Internet. Cette fois il nous offre un très bel ouvrage illustré, édité par les excellentes éditions La Martinière. Entouré de quelques complices aussi passionnés que lui, il présente avec des fiches techniques 30 champignons et 70 plantes sauvages avec compétence scientifique, mais aussi avec poésie et émerveillement devant les trésors de la nature dans les Hauts de France (et spécialement la forêt du Bois-Lévêque, tout près de chez nous). J'ai bien aimé ses "glaçons botaniques" (à la portée de tous !). 45 recettes raffinées mais plutôt simples sont proposées par de jeunes chefs inventifs. Le tout est merveilleusement illustré de photographies et de portraits. Il y a aussi des conseils pour les amateurs de champignons. J'ai pris grand plaisir à découvrir ce livre, et je prends toujours grand plaisir à le parcourir en tout sens : on ne s'en lasse pas, sans doute grâce à son humanisme, et à la variété des approches proposées.

Oeuvre non trouvée

note: 4La Mousson Christiane - 14 janvier 2021

C'est un gros roman qui se lit facilement, par son écriture fluide et bien maîtrisée (l'auteur a connu un grand succès dans les années 1930), et avec une belle galerie de personnages, très différents, auxquels on s'intéresse, avec des péripéties sans cesse renouvelées.
L'histoire se passe dans l'Inde colonisée par les Britanniques, et on y apprend quantité de choses sur cet immense pays. L'auteur a dédié son livre "à tous mes amis hindous...sans qui je n'aurais jamais connu les merveilles et la beauté des Indes, ni compris le rêve hindou".
Une mousson catastrophique est suivie d'épidémies non moins catastrophiques, et va affecter le destin des personnages. L'auteur nous fait vivre la gestion de l'épidémie, et ce thème nous est très sensible par les temps qui courent : il y a des drames, mais aussi une belle histoire d'amour, le dévouement et le courage de certains qui apportent leur aide, et une fin lumineuse et apaisée qui pourra nous apporter un peu d'optimisme et de sagesse.
C'est un roman de bonne facture, qui plaira à tous les amateurs de grandes sagas.

Back Street (Fanny HURST)

note: 3Back Street Christiane - 19 novembre 2020

Par curiosité j'avais lu ce roman américain datant de 1931, qui ne bénéficie pas, à ce jour, d'une édition moderne. Il se lit facilement, et m'a laissé une forte impression. L'histoire se passe au tout début du XXe siècle et raconte la vie d'une femme, d'abord à Cincinnati, puis à New-York. La jeune Ray Schmidt est belle, intelligente, et pleine d'énergie et d'appétit pour la vie.
Pourtant, elle va s'enfermer volontairement dans une relation exclusive, et qui va rester cachée, avec un homme riche, Walter Saxel. Alors qu'il mène une belle carrière, se marie, a des enfants, elle vit désormais dans son ombre, à son service, en abdiquant toute vie personnelle. Ce roman ayant eu du succès, l'expression "Back Street" a même désigné une relation avec une maîtresse cachée.
Le jour où son amant disparaît, Ray, qui a renoncé à son emploi de vendeuse en grand magasin à New York, se retrouve seule et sans ressources, et une véritable descente aux enfers va commencer pour elle, qui passe par les salles de jeux. Cette vie devenue sordide rend poignante la fin du roman, et fait réfléchir sur le destin qu'elle s'est forgée, en toute connaissance de cause. Une histoire simple en apparence, mais d'une profondeur humaine très grande, que toutes les femmes peuvent méditer.

Lettre à Louis XIV (FENELON, François de Salignac de la Mothe)

note: 3Lettre à Louis XIV Christiane - 12 octobre 2020

Ce petit livre contient un texte très court, mais qui a pesé dans l'Histoire. En 1693-1694, au cours d'un hiver glacial qui fut dramatique pour le peuple de France, Fénelon, alors précepteur du petit-fils de Louis XIV et personnage en vue de la Cour, adresse au Roi-Soleil une lettre superbe et audacieuse, dans laquelle il dénonce sa politique. A cause de cette lettre, Fénelon sera exclu de la Cour et exilé dans son archevêché de Cambrai jusqu'à la fin de sa vie. Désormais, le "Cygne de Cambrai", dont le prestige est intact, et qui conserve de nombreux correspondants prestigieux, se consacre au gouvernement de son diocèse, et à sa bonne ville du Cateau, dont il est le Seigneur. Les Catésiens peuvent donc avoir un rapport très particulier avec ce grand écrivain, passé à côté d'une grande carrière politique. Fénelon se révèle un homme d'une exigence morale exceptionnelle, en n'hésitant pas à dire ses vérités durement à un monarque, qui même s'il a accompli de grandes choses, dont le Château de Versailles, a ruiné le pays par ses guerres, et a causé la Révolution par son despotisme.
Ce texte incisif et impitoyable est écrit dans une très belle langue, claire et élégante. Il a été important dans l'histoire, c'était une référence au moment de la Révolution, et il conserve son intérêt, en rappelant aux grands de ce monde qu'ils doivent avant tout s'occuper de leurs peuples, et non de leur gloire. A la fin de sa vie, Louis XIV reconnaîtra qu'il "avait trop aimé la guerre"... Par ses écrits, Fénelon aura un grand rayonnement.
En relisant cette lettre, j'ai aussi beaucoup apprécié la qualité de l'édition (préface et textes annexes), permettant de bien comprendre la contexte.

Rue des pâquerettes (Mehdi Charef)

note: 4Rue des Pâquerettes Christiane - 14 août 2020

Je me suis intéressée à ce livre au départ... parce que l'auteur a le même âge que moi ! D'autre part, j'ai toujours aimé les récits d'enfance, je les trouve émouvants, ils sont fondamentaux pour connaître un auteur, car tout s'est joué dans leur enfance pour en faire ce qu'ils sont devenus. Et aussi, ils sont riches d'enseignements sur la vie quotidienne d'une époque, ici les années 1960. L'auteur, venu d'Algérie à 10 ans avec sa mère pour rejoindre son père, terrassier, vit avec sa famille dans le bidonville de Nanterre. Bon élève, il va profiter de l'école de la République pour assimiler la culture française, et plus tard, après avoir travaillé en usine, il deviendra auteur et cinéaste.
Le texte, court, se lit aisément. Les flashbacks évoquant les derniers soubresauts de la guerre d'Algérie donnent de la profondeur au récit, et la concision de l'écriture, toute en retenue, dénuée de sentimentalisme, sonne vrai et juste. Un petit livre qui va à l'essentiel, témoignage sur un aspect moins connu des Trente Glorieuses, et au-delà, de la vérité d'un homme et d'un écrivain de la grande famille humaine.

Les Indes fourbes (Alain Ayroles)

note: 5Les Indes fourbes Christiane - 30 juillet 2020

Cette bande dessinée est une belle découverte ! C'est la meilleure que j'ai lu depuis longtemps, bourrée de qualités dans tous les domaines. Bonne histoire aux péripéties riches avec un excellent scénario, personnages complexes et variés, belles références culturelles (par exemple à la peinture, mais je n'ai sans doute pas tout découvert), couleurs admirables particulièrement adaptées à l'action, dessins raffinés (j'ai apprécié l'expressivité des visages et la beauté de paysages grandioses), ampleur de l'évocation, construction subtile et maîtrisée...Les deux auteurs ont créé une oeuvre complexe bourrée de qualités. On ne peut qu'être admiratif devant un tel travail pour cet album de grand format et de plus de 150 pages. Les auteurs donnent une suite à un roman "picaresque" espagnol classique qui raconte les aventures de Don Pablo de Ségovie au 16e siècle, A la fin du roman, il partait pour les "Indes", c'est-à-dire l'Amérique du Sud. La bande dessinée montre un anti héros passablement coquin, à la recherche de l'Eldorado. Et en prime, il y a beaucoup d'humour, toujours subtil, comme le décalage entre le discours du personnage qui raconte et les dessins, ainsi qu'un arrière plan historique réaliste et plein d'humanité, en montrant le sort réservé aux Indiens, et la morgue des grands.

Lone Sloane n° 10
Babel (Jacques Lob)

note: 2Lone Sloane, Babel Christiane - 9 juillet 2020

50 ans après, le retour de l'aventurier des étoiles ! Ce n'est pas Philippe Druillet, le créateur du héros aux yeux rouges, qui a dessiné cet album, mais deux jeunes auteurs, avec la bénédiction du maître. En se plongeant dans ce superbe album, j'ai retrouvé l'ambition de la saga, le délire des décors, et la richesse de l'histoire, mais non les extraordinaires dessins du maître.
Ces dessins sont certes beaux et même grandioses, avec des couleurs splendides, et d'excellente facture technique, mais il y manque la folie, l’exubérance incroyable des détails. Pourtant, passé cette petite déception, je me dis que des jeunes auteurs différents, ont créé un album différent, mais dans le respect total de l'oeuvre première, et c'est une bonne chose ! Les dessins de Druillet, qui ont véritablement révolutionné l'art de la bande dessinée fantastique, sont l'oeuvre de génie d'un grand artiste, artiste à la limite de la folie... et sont uniques.
Reste aussi une excellente histoire, ambitieuse, puisqu'elle reprend tous les thèmes et personnages des albums précédents dans une saga cosmique. Je ne suis pas persuadée que ceux qui découvrent cet album sans connaître les précédents, puissent entrer facilement dans cet univers. Puisse-t-il leur donner envie de découvrir l'oeuvre de Druillet, chef d'oeuvre de la bande dessinée, qui a inspiré tant d'histoires, y compris au cinéma.

Autant en emporte le vent (Victor Fleming)

note: 4Autant en emporte le vent Christiane - 16 juin 2020

Pendant la période du confinement, j'ai revu l'adaptation du roman de Margaret Mitchell, mettant en scène superbement les aventures de Scarlett O'Hara au temps de la Guerre de Sécession : un grand classique du cinéma, avec des acteurs, tous excellents, et des décors magnifiques, où le moindre détail est soigné. Je n'ai pas été déçue, les 4 heures de projection m'ont fait retrouver le plaisir de suivre cette histoire, comme la première fois. J'apprends que ce film a été dénoncé comme raciste, et subit des censures. Stupide et consternant ! Bien sûr, il est marqué par le paternalisme à l'égard des "bons" noirs, la nostalgie d'une vie idyllique dans les plantations, mais à y regarder de plus près, l'histoire est plus subtile qu'il n'y paraît. L'aveuglement des Sudistes est montré, ainsi que la rapacité des yankee. Et si l'héroïne Scarlett plaît tant aux femmes, c'est qu'elle incarne un féminisme qui leur fait choisir et non subir leur destin. Elle n'est pas un modèle de vertu, mais c'est justement ces nuances qui font la richesse de l'histoire. C'est Gide qui disait qu'on ne fait pas forcément de la bonne littérature avec des bons sentiments. Et surtout on ne refait pas l'Histoire, elle nous enseigne à mieux comprendre, à être plus empathiques et plus tolérants. Sorti en 1939, ce film a remporté un immense succès, et continue à plaire à un large public. Héroïne de roman, Scarlett continue de vivre, grâce à la merveilleuse interprétation de Vivien Leigh.

Bug n° 2
Bug, livre 2 (Enki Bilal)

note: 4Bug, livre 2 Christiane - 4 juin 2020

Dans ce deuxième volume de la nouvelle trilogie de Bilal, l'histoire se développe, et on attend avec impatience le troisième volet. Je trouve que Bilal est un auteur fascinant, un grand créateur d'univers étranges et post-apocalyptiques, mais tellement en résonance avec le notre. Le thème de cette série, c'est un bug planétaire qui détruit totalement tous les réseaux informatiques et remet en cause le système mondial. Le mystérieux virus a touché un astronaute, qui posséderait toutes les données dans son cerveau, et qui devient l'objet d'une chasse planétaire.
Comme toujours chez Bilal, les méchants sont très cruels, pervers et intelligents, et les héros sont passablement fatigués et un peu cyniques, mais inoxydables. Ce qui tranche sur de nombreuses séries de science-fiction, c'est le côté profondément humain (en l'occurrence, le héros de Bug doit sauver sa fille bien-aimée, victime d'un enlèvement), et la subtilité des rapports des personnages en demi-teinte.
Et pour le dessin et la couleur de la bande dessinée, c'est une merveille, comme d'habitude chez l'auteur : le style unique et reconnaissable d'un grand artiste, dans des tons bleutés et grisés. Une bande dessinée d'aventures, mais surtout de rêve et de réflexion.

Cosmos (Michel Onfray)

note: 3Cosmos Christiane - 24 avril 2020

Le très prolifique et médiatique philosophe Michel Onfray a présenté ce livre comme "son premier livre", en tout cas le plus personnel. Je lisais ou écoutais ses propos avec beaucoup d'intérêt, car ce philosophe a su revitaliser une discipline qui apparaissait bien austère. Bien sûr son bouillonnement intellectuel s'accompagne souvent d'approximations (malgré sa vaste érudition), et aussi d'affirmations péremptoires, mais quelle facilité d'expression, quel humour, et quelle liberté de pensée ! J'ai particulièrement aimé ce livre parce qu'il s'intéresse à une multiplicité de phénomènes naturels avec un œil neuf, ce qui nous apprend à observer et à réfléchir.
J'ai aussi été très émue par les passages où l'auteur évoque la mémoire et la disparition de son père avec beaucoup d'émotion, ainsi que la disparition de sa compagne atteinte d'un cancer. La lucidité et la sincérité aident à réfléchir sur sa propre vie et sur l'essentiel. Quelques passages ou certains termes sont parfois un peu ardus, mais comme Voltaire ou Daniel Pennac le préconisent, si un livre nous ennuie, on n'est pas obligé de le lire, et on a le droit de sauter des passages. Et c'est le genre de livre qu'on aura aussi plaisir à relire.

Petite bibliothèque de poésie (François Villon)

note: 5Petite bibliothèque de poésie Christiane - 14 avril 2020

C'est vraiment une très bonne idée d'avoir regroupé 12 petits fascicules de poésie dans un étui cartonné. L'éditeur Gallimard et Télérama ont choisi 12 poètes parmi les plus grands poètes français, et présentent un choix de leurs poèmes les plus connus : Villon, Charles d'Orléans, Maurice Scève, Ronsard, Théophile de Viau, La Fontaine, Marceline Desbordes-Valmore, Victor Hugo, Gérard de Nerval, Baudelaire, Verlaine et Rimbaud. Ça vous rappelle des souvenirs scolaires ? Oubliez, et relisez, dans l'ordre ou le désordre qui vous convient, ces admirables phrases qui n'ont rien perdu de leur beauté et de leur vérité profonde. Ces poèmes ont le pouvoir magique d'apaiser et de réconforter, et aussi de faire rêver d'espérance...

Ces dames aux chapeaux verts (Germaine ACREMANT)

note: 5Ces dames aux chapeaux verts Christiane - 2 avril 2020

Ce délicieux roman au charme suranné (paru en 1922) a enchanté ma jeunesse. Il a connu un énorme succès populaire, et est très accessible à tous à partir de 10 ans.
A 18 ans, la jeune parisienne Arlette, dont la famille est ruinée, doit aller vivre chez ses cousines, "Quatre vieilles filles, qui habitent une vieille maison dans le plus vieux quartier d'une des plus vieilles villes du Pas-de-Calais"...
Arlette, jeune femme moderne, redoute l'ennui, mais elle va trouver un journal intime, anonyme, qui évoque une histoire d'amour brisé. Aussitôt, elle va enquêter pour trouver quelle sœur a écrit ce journal, pour ensuite essayer de renouer les liens de cette ancienne histoire...
C'est un roman léger, pétillant, où l'auteure se livre à une satire en règle de la société provinciale de l'après-guerre (c'est la ville de Saint Omer qui est décrite). Cette satire est tendre et joyeuse, jamais méchante, et le contexte est très réaliste (la difficulté de trouver un mari après la saignée de la Grande Guerre). En le relisant, j'ai trouvé que l'histoire traverse bien les années : l'auteure utilise un présent, très moderne, ses phrases sont courtes, et son style cinématographique. Je conseille ce roman à toutes celles qui se régalent des romans développant la bonne humeur : sa lecture est agréable et tonique, et en plus il est très bien écrit.

Sinouhé l'égyptien : Tome 1 (Mika Waltari)

note: 4Sinouhé l'Egyptien Christiane - 8 janvier 2020

Récemment de nombreux romans historiques sont parus sur l’Égypte, une civilisation qui fascine. Mais je trouve que le meilleur roman sur l’Égypte ancienne reste "Sinouhé l'Egytien", titre le plus célèbre du Finlandais Mika Waltari, paru en 1945. Tous les ingrédients d'un bon roman historique sont réunis : une histoire qui s'étend sur une longue période, la vie de Sinouhé, une documentation historique exceptionnelle (compte tenu de l'époque d'écriture), des aléas dans la vie du héros - familier du pharaon ou esclave - qui lui font côtoyer toutes sortes de personnages, la rencontre de plusieurs femmes dont l'une causera sa perte, et de nombreux rebondissements qui maintiennent l'intérêt. Mais ce qui est magnifique, c'est le beau style et l'ampleur de l'écriture, ainsi que les thèmes de fond : la réflexion sur le pouvoir, les choix d'un homme qui détermineront son destin... C'est une œuvre attrayante et captivante, mais qui suscite aussi des réflexions. Nous apprenons aussi beaucoup de choses sur l’Égypte, comme par exemple la description hallucinante des pratiques des embaumeurs de momies, parmi lesquels le héros doit se cacher pendant quelque temps. Sinouhé est aussi un héros tour à tour sage et rempli de faiblesses, qui évolue.
L'admirable début du livre nous emmène dans un voyage poétique :
"Moi, Sinouhé, fils de Senmout et de sa femme Kipa, j'ai écrit ce livre. Non pas pour louer les dieux du pays de Kemi, car je suis las des dieux. Non pas pour louer les pharaons, car je suis las de leurs actes. C'est pour moi seul que j'écris..."

La tresse (Laetitia Colombani)

note: 2La tresse Christiane - 30 novembre 2019

Trois histoires nous sont contées dans ce récit original : trois destins de femmes, de nos jours, mais dans des pays très différents : en Inde, une femmes pauvre, une "intouchable" veut que sa fille de 6 ans accède à l'éducation pour ne pas connaître la misère et les humiliations qu'elle vit. En Italie, une jeune fille qui travaille dans l'atelier de son père, le dernier à fabriquer des perruques à partir de vrais cheveux, se retrouve, après l'accident survenu à son père, en responsabilité de l'atelier en faillite et du destin de ses ouvrières. Enfin, au Canada, une brillante avocate voit sa carrière s'écrouler quand elle est victime d'un cancer et doit se battre pour sa survie. Ces femmes n'ont rien en commun, et pourtant un lien va se mettre en place, à travers une tresse de cheveux...
De courts chapitres sur ces 3 destins alternent, qu'on dévore rapidement, l'écriture en étant particulièrement simple et fluide. On se retrouve tout de suite en empathie avec ces femmes qui vont être amenées à faire des choix difficiles mais pleins de promesses. Un premier roman sans doute un peu facile et un peu formaté, mais ne ne boudons pas notre plaisir devant tant de tendresse, de courage et d'espérance.

La vie d'un simple (Émile Guillaumin)

note: 5La Vie d'un simple Christiane - 21 octobre 2019

Une fois ce livre lu, on ne pourra jamais l'oublier, tant il "sonne vrai". C'est pourtant une œuvre romanesque, qui raconte la vie d'un paysan, le père Tiennon, métayer dans le Bourbonnais dans la 2e partie du 19e siècle, depuis son enfance jusqu'à la vieillesse. Il a été écrit par un homme exceptionnel, Émile Guillaumin, qui n'a fréquenté que 5 années l'école primaire, et qui toute sa vie a été lui aussi paysan, mais aussi auteur et syndicaliste. Il voulait faire connaître la réalité du monde paysan, et aussi œuvrer à la prise de conscience du monde paysan par eux-mêmes. A son image, ses textes sont simples et beaux, réalistes et poétiques, observateurs et pudiques. C'est une littérature rare, le monde paysan étant assez peu évoqué dans la littérature française, ou alors de manière peu réaliste et extérieure. Ici tous les épisodes sont authentiques et touchent par leur valeur humaine. Surtout le livre, paru en 1904, traverse les années sans rien perdre de sa lumineuse humanité, à la fois témoignage unique et œuvre littéraire.

Oeuvre non trouvée

note: 5L'Empire des mille planètes Christiane - 4 septembre 2019

J'ai relu toute la série de BD "Valérian" (22 volumes !), et je suis bien en peine de choisir l'aventure que je préfère : toutes sont excellentes. L'Empire des mille planètes (tome 2), adapté par Luc Besson au cinéma est souvent considéré comme un des meilleurs albums. Personnellement, je trouve que le film est plutôt raté, et je conseille vivement de préférer les BD. L'actrice incarnant la dynamique et souriante Laureline est bien renfrognée ! Les aventures galactiques de Valérian et Laureline, agents spatio-temporels, commencées en 1967 dans la revue "Pilote", n'ont rien perdu de leurs qualités : humour et aventures, inventivité des univers et des personnages extra-terrestres (ils ont inspirés "La guerre des étoiles"), décors grandioses et variés, scénarios impeccables, couleurs sublimes... On peut aussi lire et relire ces histoires, pour la finesse des situations psychologiques, la pertinence de la critique sociale, et l'extraordinaire aboutissement du cycle, commencé avec la rencontre de Valérian et Laureline au Moyen âge, et qui s'achève par leur départ vers une nouvelle vie...Ces BD incarnent aussi la légèreté et la joie de vivre, au contraire de la sinistrose actuelle de tant d'albums, tout en n'excluant pas la lucidité et la positivité. Elles ont aussi le grand mérite d'être accessibles à tous, sans restrictions. Un excellent remède contre tous les intégrismes !

La Sorcière au village : XVe-XVIIIe siècle (Robert Muchembled)

note: 3La Sorcière au village Christiane - 25 juillet 2019

Pour rédiger un article sur des affaires de sorcellerie à Bazuel au XVIIème siècle, j'ai été amenée à me replonger dans cet ouvrage documentaire qui m'avait beaucoup intéressée, quand je l'avais découvert dans la collection "Archives" de Julliard à sa parution (1979). Je n'ai pas été déçue : c'est passionnant et aussi émouvant, en pensant à l'épouvantable destin des soi-disant "sorcières" qui ont été brûlées. Le livre présente aussi l'intérêt d'évoquer plusieurs cas de procès en sorcellerie qui se sont déroulés dans le village de Bazuel, l'auteur travaillant à partir d'archives judiciaires conservées à Lille. L'intérêt principal de ce livre est de fournir des clés d'explications sur une véritable épidémie au début du XVIIème siècle. Une alliance s'est faite entre des habitants du village, croyant à la réalité de mauvais sorts, et les juges et les théologiens voulant éradiquer un satanisme qu'ils voyaient partout. Beaucoup de femmes en ont été victimes...

Vives & vaillantes (Praline Gay-Para)

note: 4Vives et vaillantes Christiane - 17 juin 2019

L'excellente conteuse Praline Gay-Para, érudite dans la connaissance des contes des pays méditerranéens et aussi pleine d'humour et de fantaisie, nous livre 7 contes sur un thème bien d'aujourd'hui. On découvre que dans les contes traditionnels, les filles ne sont pas toujours passives et soumises, mais savent se montrer courageuses et entreprenantes. Bref, elles prennent leur destin en main, travaillent avec persévérance à le réaliser selon leur volonté... et ne se laissent pas faire par leur héros. Les fins heureuses des contes voient leur union sur les bases d'une indépendance reconnue !
La réécriture modernisée des contes, narrés avec légèreté selon la fantaisie de la conteuse est un régal qui plaira à tous, et permettra de renouveler la vision des contes.
Un conseil : ne vous arrêtez pas à l'austérité d'un livre de poche sans illustrations en couleurs : en lisant ou racontant la parole de la conteuse vous partagerez 7 aventures bien dépaysantes.

Le chardonneret (Donna Tartt)

note: 5Le Chardonneret Christiane - 7 avril 2019

"Le Chardonneret", c'est le nom d'un tableau d'un maître flamand du 17e siècle représentant ce petit oiseau. Et c'est le fil conducteur de ce gros roman, le 3e de l'auteure, qui a obtenu le prix Pulitzer en 2013.
Il y avait longtemps que je n'avais pas dévoré un livre aussi original et dont la lecture est addictive. On est vraiment dans l'univers du héros, le jeune Théo, et de ses proches, ainsi que de son environnement, de New York à Las Vegas, puis à Amsterdam. C'est aussi un roman complet, psychologique, sociologique, et thriller (de nombreux critiques évoquent Dickens pour son ampleur). Il pose de nombreuses questions : le stress post-traumatique, les drogues, l'amitié et l'amour, la place de l'art... Une des scènes fondamentale, très forte, est narrée au début, avec le vécu cauchemardesque d'un attentat dans un musée, où le héros alors adolescent perd sa mère qu'il adorait, et récupère un tableau de grande valeur, qui va quelques années plus tard le mener à sa perte. Jusqu'aux dernières pages, l'intérêt est soutenu, et les rebondissements inattendus. J'ai appris avec plaisir que cette histoire fait l'objet d'une adaptation au cinéma pour la fin de 2019.

Les allongés (Jeanne GALZY)

note: 3Les allongés Christiane - 18 mars 2019

"Jeanne Galzy, c'est peut-être à l'écart de la vie que l'on jouit le plus de ses saveurs" : cet article de l'excellente revue régionale sur le livre, "Eulalie", avait attiré mon attention sur une auteure que je ne connaissais pas. Le sujet de son livre, (paru en 1923), la vie des malades soignés à Berck, m'avait également intéressé.

J'ai découvert, dans ce récit grave et poignant, une auteure qui écrit merveilleusement bien, chaque mot étant pesé, chaque phrase étant ciselée. Et aussi une sincérité et une exigence absolue, une sobriété réduite à l'essentiel. Bien sûr, la lecture n'en a pas été facile, la situation décrite (qui a été personnellement vécue par l'auteure) est plutôt sinistre : à la suite d'une grave maladie, une jeune fille se trouve immobilisée, et les soins qui la mèneront à une guérison seront longs et pénibles. Le récit nous fait part de ses observations et réflexions, et c'est sans concessions. Elle évoque aussi les autres malades et leurs misères, sans cacher leurs travers : aucun apitoiement, mais de la pudeur, de l'empathie et de la dignité. J'ai trouvé que c'était un beau texte, intemporel, qui a conservé toute sa force.

Oeuvre non trouvée

note: 3Equatoria Christiane - 25 février 2019

Les héros ne meurent jamais... Quel plaisir de retrouver Corto Maltese, le marin romantique, dans ce 2e album qui suit la série des 12 bandes dessinées créées par Hugo Pratt. Depuis "La ballade de la mer salée", nous avions pu suivre ses aventures historiques et fantastiques à travers le monde. Dans cet album les successeurs de Hugo Pratt nous emmènent de Venise à Alexandrie, puis en Afrique équatoriale. Corto est toujours à la recherche d'un trésor improbable, et des femmes entourent notre héros, qui voyage avec une amie journaliste, rencontre une exploratrice à la recherche de son père, et sauve une jeune africaine de l'esclavage. Il rencontre aussi quelques amis.. et se heurte à quelques malfaisants, mais toujours il préserve sa liberté.
L'histoire est parfaitement conforme à ce qu'on attend de Corto, les dessins sont très beaux (j'ai beaucoup aimé le rendu très poétique de la mer, paysage qui commence et finit le récit). Une seule réserve : un rythme un peu languissant et l’absence de surprises : mais c'est la rançon de la fidélité à l'original !

Le cadeau des rois mages (O. Henry)

note: 5Le cadeau des rois mages Christiane - 20 décembre 2018

Cette histoire de Noël, le plus connue des nombreuses nouvelles écrites par O. Henry, m'avait beaucoup plu à la première lecture, et j'ai toujours autant de plaisir à la relire. On est aux États-Unis, à la fin du 19e siècle, sans doute à New York, dans l'appartement d'un jeune couple très aimant mais pauvre. Pour Noël, Della souhaite offrir un beau cadeau à James, mais toute son épargne se résume à un dollar et quatre-vingt-sept cents ! Elle va alors se résoudre à sacrifier sa magnifique et très longue chevelure et la vendre pour acheter un très beau cadeau. De son côté, James a eu la même démarche, et n'a pas hésité, lui aussi, à sacrifier un objet très cher... C'est une histoire douce-amère, car la découverte de leurs cadeaux sera surprenante !
Les magnifiques dessins de la grande illustratrice Lisbeth Zwerger servent admirablement ce conte où l'amour triomphe de l'adversité : délicates et très évocatrices, elles esquissent un univers à la Dickens.
Bien que parue dans un album destiné aux jeunes, je trouve que l'histoire s'adresse plutôt aux grands. L'un de ses charmes aussi est l'excellent style de l'auteur (il n'y a pas un mot de trop !), qui se fait le complice discret d'une belle histoire d'amour.

Home, sweet heaume (Philippe Tabary)

note: 3Home, sweet heaume Christiane - 9 novembre 2018

Dans ce récit, le prolifique Philippe Tabary reprend le personnage de Chalmond, déjà évoqué dans un ouvrage précédent, "Nécrotique". Dans ce personnage, on reconnait l'auteur, ancien fonctionnaire européen à Bruxelles spécialisé dans l'agriculture, et grand amoureux de l'Avesnois, sa terre natale, qu'il a déjà évoqué dans plusieurs romans.

Dans l'Avesnois se trouve sa maison, qui est son point d'ancrage, et où il revient après de nombreux voyages, en France et en Europe. L'infatigable chroniqueur nous livre ses réflexions, sur sa nouvelle vie après un grand tournant, celui de la retraite. Toujours actif sinon plus, il a désormais le temps de la réflexion sur les sujets les plus divers, de l'observation sur les choses les plus simples, ce qui donne un monologue d'une grande richesse, car l'auteur est aussi un amoureux des mots, et prend un évident plaisir à jouer avec la langue française : sonorités, synonymes et contraires s'enchaînent pour le lecteur qui prend le temps de déguster un véritable feu d'artifice où l'humour et l'émotion se conjuguent.

Ce livre plaira sans doute plus aux personnes de la même génération que l'auteur, qui pourront se reconnaître dans beaucoup de situations vécues, et profiter avec plaisir d'une bonne cure d'optimisme et de sérénité.

La véritable histoire de Ah Q (LU XUN)

note: 4La véritable histoire de Ah Q Christiane - 10 octobre 2018

Cette nouvelle (ou roman court) a été publiée par l'écrivain chinois Lu Xun dans une revue en 1921. Lu Xun est considéré comme le premier écrivain chinois moderne. En 9 petits chapitres, le récit évoque les épisodes tragi-comiques et la fin de Ah Q, un misérable journalier, symbolisant le peuple chinois.
Cet anti-héros est profondément pathétique. Veule et plutôt méchant avec plus faible que lui, il n'attire que des brimades. L'histoire se passe au moment des évènements révolutionnaires de 1911 (révolution manquée), et Ah Q finira victime, sans rien comprendre à ce qui lui arrive, "broyé par sa propre bêtise autant que par celle des autres". Le récit, délibérément humoristique au début, devient ensuite plus grave, mais toujours teinté d'humour noir.
Cette histoire plutôt sombre est magnifiée par la plume exceptionnelle de l'auteur, qui manie la dérision et la satire féroce pour critiquer une Chine rétrograde dans sa littérature et ses institutions. Quelques notes bienvenues apportent des précisions sur des allusions à des éléments de la civilisation chinoise, et au contexte de l'époque.
C'est aussi un texte qui se lit très facilement. Par sa concision et sa causticité, il fait penser à Voltaire, et par son humanité à Hugo. Et au contraire de tant de textes littéraires de cette époque, il n'a rien perdu de sa modernité.
Un très grand auteur à découvrir, et au delà de l'exotisme du contexte chinois (qui est très intéressant), un texte subtil qui suscite la réflexion et enrichit son lecteur.
Christiane

Dragons & dragon (Marie Sellier)

note: 5Dragons et dragon Christiane - 26 septembre 2018

Une publication vraiment très originale et réussie ! Marie Sellier et Catherine Louis ont imaginé 4 albums illustrés réunis dans un joli coffret : 4 contes sur le thème des dragons, inspirés par les traditions asiatiques : Chine, Corée, Vietnam et Japon.
La forme choisie est celle du "leporello", c'est-à-dire des livres-accordéon qui se déplient, avec au verso de chaque conte illustré un dragon d'un mètre soixante de long !
Mais ce qui m'a plus avant tout, c'est la qualité et la sagesse intemporelle des histoires qui plairont à tous. J'ai particulièrement aimé "Le dragon jaune et le dragon bleu" (Corée): l'empereur demande au plus grand peintre de peindre deux dragons, mais celui-ci demande toujours des délais supplémentaires pour présenter son œuvre. Quand il la présente, elle se réduit... à deux grands traits, bleu et jaune. L'empereur furieux le fait jeter en prison avant de réaliser que le peintre a passé sa vie à dessiner des dragons, réalistes puis de plus en plus épurés, jusqu'à la quintessence de l'art. Il rend alors hommage au grand peintre : si ça ne vous fait pas penser à un certain Henri Matisse...

Total Bullshit ! au coeur de la post-vérité (Sebastian Dieguez)

note: 3Total Bullshit ! Christiane - 31 août 2018

Ce livre est une entreprise de salubrité publique !
Un chercheur décortique un phénomène qui contamine toute la communication, dopé par les nouvelles technologies. Le terme "bullshit" désigne "les circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d'influence pour former l'opinion publique que l'appel à l'émotion et aux croyances personnelles."
L'étude est assez aride à lire surtout au début. Elle a été rédigée par un universitaire qui manie des concepts peu familiers aux profanes, notamment ce fameux concept de bullshit (qui signifie littéralement "merde de taureau"), théorisé par le philosophe Frankfurt en 1986, et dont les fake news inondent les réseaux sociaux, avec comme résultat, des manipulations de masse. Mais l'étude vaut largement qu'on s'y accroche, et la fin du livre apparait beaucoup plus facile à lire, et pour tout dire, lumineuse sur les processus en cours.
L'esprit exigeant de l'auteur, spécialisé en neurosciences, nous permettra peut être de mourir un peu moins bête...

Angèle ou le syndrome de la wassingue (Lucien Suel)

note: 5Angèle ou le syndrome de la wassingue Christiane - 23 juin 2018

Ce court récit de Lucien Suel, texte assez inclassable, évoque la vie d'une petite fille, Angèle, qui habite un village dans une campagne du Nord déjà un peu ancienne. Petite fille étrange et observatrice, elle s'imprègne de toutes les sensations, de toutes les rencontres avec innocence, entre réalisme et poésie magique.
Le beau texte nous emporte dans un crescendo onirique, mêlant les détails les plus prosaïques sur la vie d'une famille plutôt pauvre à la campagne, et les émerveillements de la vie.
La prosaïque serpillère du Nord accompagne ce parcours avec un humour délicat et discret...
Un petit dossier illustré sur cette fameuse "wassingue" termine ce joli récit.
Un petit moment de bonheur à déguster nous est offert avec ce texte dont l'édition est très soignée.

La légende de Zål (Rafik Bougueroua)

note: 4La légende de Zal Christiane - 21 mai 2018

Ce bel album de grand format illustré de couleurs vives s'inspire de la mythologie iranienne. L'histoire du héros et roi Zal est tiré du Shahnameh, ou Livre des rois, un poème épique.
Fils de roi, Zal naît albinos, ce qui le fait rejeter par son père. Comme dans beaucoup d'autre légendes anciennes, le bébé abandonné dans la nature est recueilli, et c'est le roi des oiseaux qui élève l'enfant jusqu'à ce qu'il soit en âge de retourner dans le monde des hommes pour accomplir son destin.Il retrouve son père, devient roi et rencontre la belle Roubadeh qu'il finira par
épouser non sans mal. Devenu un héros, il aura un fils à son tour, dont la naissance sera extraordinaire...
L'éditeur (Amaterra) nous donne accès à une histoire venue du fond des âges et d'un pays dont la mythologie nous est peu familière, mais dont les thèmes sont de toujours : l'abandon, la persévérance, la recherche de l'amour, la vaillance et la sagesse... Le ton est celui d'une grande épopée, mais les héros sont profondément humains. Les belles illustrations s'inspirent de la tradition orientale en la modernisant, et au milieu de l'album, le lecteur a la surprise de découvrir un joli palais oriental en "pop-up".
C'est un album beau et profond.

L'abécédaire enluminé de Cambrai (Christine Desfossés Prévost)

note: 3L'abécédaire enluminé de Cambrai Christiane - 10 mai 2018

J'ai découvert ce livre par hasard, lors d'une visite au Musée de la dentelle de Caudry. J'ai lu - ou plutôt dégusté - les 26 petits textes présentés sur chaque double page, dans l'ordre alphabétique, de Architecture à Zodiaque. Ces textes sont simples, le livre étant plutôt destiné aux jeunes, mais extrêmement pertinents, et présentent un Moyen Âge débarrassé d'idées reçues.
Ils sont accompagnés d'illustrations extraites des manuscrits médiévaux conservés à la Médiathèque de Cambrai. Ces manuscrits sont un véritable trésor, connus des spécialistes du monde entier. Ce que j'ai particulièrement apprécié, c'est la simplicité avec laquelle le choix d'illustrations est mis à la portée de tous, et aussi la fraicheur, la vie, le raffinement qui en émanent.
Ce travail pédagogique est un vrai petit bijou, réalisé avec beaucoup de vérité historique mais aussi de poésie. Il nous donne une image vivante du Moyen Âge. Sur la page de titre, on peut lire en complément du titre, "Regard d'artiste sur le patrimoine". Je recommande ce livre à tous les amoureux du Moyen Âge, et à tous ceux qui désirent partager leur émerveillement avec les jeunes.

Contes illustrés par Doré (Charles Perrault)

note: 5Perrault : Contes illustrés par Doré Christiane - 10 mars 2018

Les 9 contes écrits par Charles Perrault d'après d'anciennes traditions orales ont été souvent édités, et continuent de l'être. Cette édition de la Bibliothèque nationale de France est une merveille : qualité des textes, qualité de la présentation (préface et notes), qualité des illustrations : 80 gravures de Gustave Doré sont reproduites en grand format, et ouvrent des portes sur des univers imaginaires vertigineux dont on ne se lasse pas.
L'édition s'inspire d'une édition de 1862 conservée à la Réserve des livres rares. Les textes de Perrault s'adressent à tous, mais ils gagneront bien sûr à être lus par des adultes aux plus jeunes, à qui il est important de faire découvrir la force, la richesse de ces histoires venues du fond des âges, dans leurs meilleures versions, loin des mièvreries de Disney !
A faire lire aux enfants, mais aussi à relire par les adultes, pour redécouvrir l'émotion et la sagesse de ces contes connus.
La BnF a eu l'heureuse idée d'éditer dans cette collection plusieurs textes patrimoniaux, comme les fables de La Fontaine, les Contes des frères Grimm, les Contes d'Andersen, et une superbe anthologie de contes du Nord. Un des mérites de cette collection est aussi son prix très attractif, compte tenu de la qualité du travail éditorial (29 €) : un vrai trésor !

Derrière la colline (Xavier Hanotte)

note: 3Derrière la colline Christiane - 27 janvier 2018

L'auteur de ce roman s'est spécialisé dans la connaissance et la diffusion de l’œuvre méconnue en France du grand poète de guerre anglais Wilfred Owen. Mais c'est aussi un romancier auteur d'une œuvre remarquable par son originalité, la maîtrise de son écriture et surtout la construction virtuose des récits.

"Derrière la colline" est un roman qui évoque les combats que durent affronter les volontaires britanniques en France pendant la Grande Guerre, à travers le destin particulier de deux amis, l'un poète, et l'autre jardinier. Les scènes décrites sont réalistes, et le fonctionnement impitoyable de l'armée britannique rendu, mais sans amertume, avec parfois une sorte d'humour désabusé.

L'histoire prend une autre dimension avec des échappées oniriques, parenthèses de poésie et de sensibilité dans l'enfer vécu par les soldats. L'auteur joue aussi avec des aller-retour présent et passé, l'un des amis étant devenu jardinier pour les cimetières militaires britanniques, et ayant épousé une Française, alors que l'autre repose dans un de ces cimetières.

Mais qui est le jardinier, qui est le poète, c'est un tour de passe passe du destin avec lequel joue Xavier Hanotte, qui s'inspire largement pour conter cette histoire du destin de Wilfred Owen, avec qui il entretient une relation d'empathie totale.

C'est un roman qui peut laisser une profonde impression, mais dont l'accès n'est pas toujours facile : je suis vraiment entrée dans l'histoire bien après le début, et alors les personnages ont acquis une sorte de vie propre, donnant à ce récit un caractère de véracité plus fort que bien des ouvrages documentaires sur la Grande Guerre.

L'histoire de Ferdinand (Munro Leaf)

note: 4L'histoire de Ferdinand Christiane - 12 janvier 2018

La sortie d'une adaptation de cette histoire en dessin animé est l'occasion de la réédition de l' album édité pour la première fois par Munro LEAF en 1936, (la version française publiée par L’École des loisirs en format poche étant épuisée).
Un plus grand format met mieux en valeur les illustrations de Robert LAWSON : un superbe noir et blanc, poétique, juste et expressif.
L'histoire compte la mésaventure de Ferdinand, un jeune taureau pacifique, amoureux des fleurs et de sa tranquillité. Pris à tort pour un taureau combattant, il se retrouve dans l'arène...
Ferdinand restera fidèle à lui-même : cette fable sur l'agressivité et le pacifisme est contée avec humour et réjouira petits et grands.

Le convive comme il faut (Philippe Dumas)

note: 1Pour bien se tenir à table... Christiane - 16 décembre 2017

Philippe Dumas s'aide de la compétence du Professeur Paul Hitaisse pour ce manuel de savoir-vivre à table. Des dessins colorés et expressifs, accompagnés de légendes et de quelques courts textes passent en revue toutes les attitudes à éviter. On passe par différents stades, depuis le simple malotru, le mufle, le cochon, le porc écœurant, pour aboutir à la créature innommable. Mais ensuite viennent les attitudes exemplaires à suivre à table. Enfin sont évoqués des cas particuliers, comme les spaghettis ou le poisson.
Ce grand album illustré peut être lu... et mis à profit par tous !
Une fois de plus, le grand illustrateur Philippe Dumas montre son talent par la qualité de son dessin, reconnaissable entre tous. Mais l'illustrateur est aussi un humoriste et un grand humaniste. Il n'y a jamais de méchanceté ni d'aigreur dans son propos, mais une formidable empathie pour l'autre, une sagesse joyeuse qui réjouit les cœurs.
Ses merveilleux albums traversent les années avec bonheur. J'ai beaucoup admiré l'expressivité de tous les visages des personnages croqués (tous très différents), dessinés avec économie de moyens mais de manière très dynamique.

Le Travailleur étrange et autres récits (Émile Verhaeren)

note: 4Le travailleur étrange et autres récits Christiane - 3 novembre 2017

Émile Verhaeren est surtout connu comme poète, l'un des plus grands poètes belges d'expression française. Ses autres écrits sont peu connus, et il faut saluer le très beau travail des Éditions Ombres, qui ont publié dans La petite bibliothèque Ombres 13 récits fantastiques autrefois parus dans des revues et dans Les Contes de minuit.
Ce sont autant de pépites à découvrir ! chaque histoire a sa musique particulière, aucune redite dans un univers gothique à souhait, baigné par la nostalgie des pays du Nord. C'est aussi beau que Edgar Poe. Les textes sont assez courts, superbement écrits dans une langue maîtrisée, inventive mais sobre, au grand pouvoir d'évocation.
L'éditeur a eu l'excellente idée d'illustrer cette édition de poche avec des gravures sur bois du grand artiste Frans Masereel, dont le style puissant et expressif convient parfaitement aux histoires.
Le volume comporte une brève présentation de l'auteur, de nombreuses précisions en fin de volume sur la parution des récits et une bibliographie très documentée : c'est un remarquable travail d'édition.
Ces récits seront appréciés par les amateurs de fantastique et de belle littérature.
On apprend dans les dernières pages que 184 titres ont été publiés dans cette collection (que je viens seulement de découvrir) : que de belles découvertes à faire chez ce petit éditeur discret...

Oeuvre non trouvée

note: 1Les dieux de l'Egypte Christiane - 18 octobre 2017

Fan de tout ce qui concerne l'Egypte ancienne, j'ai été intéressée par cet album illustré qui présente 11 grands dieux égyptiens à l'aide d'illustrations saisissantes et de quelques petits textes explicatifs qui se découvrent comme autant de contes. Les noms et les grandes lignes ont beau être connus, il y a toujours des précisions à découvrir pour se laisser emporter vers cette magnifique civilisation.
Les illustrations en grand format dans une belle gamme de coloris, à la fois précises sur le plan documentaire et fantastiques, font rêver.
C'est un très bel album à la fois informatif et qui nourrit l'imaginaire. Je le conseille à tous les collégiens qui découvrent l'histoire et la mythologie égyptienne. Par contre je le déconseille aux très jeunes enfants, qui pourraient être impressionnés par la force des images, avec des monstres assez terrifiants !

Oeuvre non trouvée

note: 3La trilogie des tripodes Christiane - 20 septembre 2017

Cette trilogie de science-fiction déjà ancienne parue en Angleterre en 1967, vient d'être rééditée par L’École des loisirs. Destinée à un public jeune, elle peut aussi se lire agréablement par les adultes amateurs de science-fiction.
La terre a été colonisée par des extraterrestres qui utilisent des machines, les tripodes, pour se déplacer. Tous les humains sont asservis et leur obéissent, contrôlés par une résille portée sur la tête, celle-ci étant posée à l'adolescence.
Mais le jeune Will préfère l'évasion et la liberté : au cours de sa fugue, il va s'allier avec deux autres jeunes, et un périple éprouvant les amènera à rencontrer un petit groupe de résistants. Recueillis dans leur refuge, ils seront enrôlés pour une mission particulièrement dangereuse dans la cité des extraterrestres, le but étant de mieux les connaître afin de pouvoir les combattre. A la fin de la trilogie, la lutte devient finale...
Le récit est fort bien mené, et les péripéties dramatiques s'enchaînent, avec aussi des aspects psychologiques que j'ai trouvé particulièrement intéressants. Au rebours de tant de séries modernes spectaculaires mais indigentes, on est ici dans une excellente science-fiction qui amène à réfléchir, à pouvoir se forger sa propre opinion sans que rien ne soit imposé par l'auteur qui ouvre des pistes. Le jeune héros n'est pas toujours sans failles : il éprouve parfois la peur, la jalousie la colère... mais l'amitié forgée dans les difficultés avec ses deux camarades le soutient, et aussi leur idéal de libération. Des thématiques importantes, comme la soumission à une dictature sont évoquées. Des questions sont posées, comme par exemple la possibilité ou non d'une démocratie dans l'action résistante, ou les lendemains de la lutte.
C'est une bonne série que l'on oublie pas quand on l'a finie : le seul reproche qui pourrait lui être fait, et qui fait qu'elle date un peu, c'est la présence inexistante des filles dans un univers masculin, une caractéristique des débuts de la science-fiction.

Le mystère des Nigmes (Claude Ponti)

note: 1Le mystère des Nigmes Christiane - 23 août 2017

Dans ce dernier album de Claude Ponti, les souris ont remplacé les poussins chers à l'auteur. Ce sont des souris archivistes et, Katastroffe ! "Dans leurs grands livres, les textes, les mots, les lettres ont tous disparu".
Les souris se mettent donc en quête, guidées par les bourdons pour aller plus vite, et comme d'habitude chez Ponti, leur parcours va les mener d'énigmes en énigmes, guidées par des créatures étranges.
Le texte, assez long et réservé aux bons lecteurs fourmille d'inventions langagières et les illustrations, reconnaissables entre toutes sont merveilleuses d'invention et riches en détails.
Au final, les souris devront affronter les trois Nigmes : la sage, la Mord'haine et la Terrifieuse, avec "ses aspirateurs à mots, ses gommes tout-terrain, ses effaceurs blanchos". C'est avec les "mots gros" que les souris vont venir à bout du monstre, et c'est alors un festival de mots très "caca boudin" décliné sur une double page, où pourront se défouler avec ravissement les enfants...
Cette histoire pleine de fantaisie, d'inventions échevelées, et qui décline l'amour des livres, ravira les amateurs de Claude Ponti, qui auront grand plaisir à les partager avec les enfants. Pour les autres, je ne peux que les inviter à entrer dans l'univers de cet inventeur génial, où à la fin "Les livres sont si pleins qu'ils volent de bonheur" et sont "débordant des histoires du monde, de nouveau lisibles et racontinables".

Comme une gazelle apprivoisée (Barbara Pym)

note: 1Comme une gazelle apprivoisée Christiane - 22 août 2017

Ce roman nous fait partager la vie quotidienne de Harriett et Belinda, deux sœurs célibataires qui vivent dans une petite ville de l'Angleterre traditionnelle, où la vie s'écoule tranquillement. L'histoire est évoquée du point de vue de Belinda, créature douce et de nature plutôt inquiète, ayant toujours peur de froisser une éventuelle susceptibilité. Harriett est plus sûre d'elle, et ses jugements sont catégoriques. Un grand évènement est le départ en vacances de l'épouse de l'archidiacre, et l'arrivée d'un bibliothécaire et d'un évêque venant d'Afrique (sa conférence avec diapositives, narrée avec les réflexions intérieures de Belinda est très comique). La lecture est très aisée, et j'ai trouvé amusant le mélange entre les préoccupations incessantes de Belinda, et les détails prosaïques de la vie quotidienne : les repas, en particulier, sont finement décrits, avec les menus et leur préparation. La scène où la couturière trouve un ver dans un gratin de chou-fleur est aussi très amusante.
Un roman empreint de légèreté et de finesse, où les problématiques plus sérieuses ne sont qu'effleurées, mais présentes quand même discrètement. Belinda a éprouvé un tendre sentiment pour l'archidiacre, mais se contente de vivre sagement dans son ombre, et quand un projet de mariage s'offre pour sa sœur, elle a peur de voir son univers s'écrouler.
L'histoire se termine par le départ du bibliothécaire et de l'évêque, mais un nouveau vicaire arrive...
L'auteure a connu beaucoup de succès lors de la parution de ses romans (années 50 et 60), avant d'être oubliée, puis publiée à nouveau : par son charme discret et son évocation d'une époque, ce roman est une jolie découverte.

La Grande Guerre vue par les Américains : Carnet du Cpt. Alban B. Butler Jr. de la First Division, 1917-1919 (Alban B. Jr. Butler)

note: 1La Grande Guerre vue par les Américains Christiane - 11 juillet 2017

Ce petit album de dessins satiriques, paru à l'origine 10 années après la fin de la Grande Guerre, a été réédité pour commémorer le centième anniversaire de l'entrée en guerre des Américains en 1917.
Il propose une série de tableaux, scènes croquées sur le vif par le capitaine Butler (aide de camp d'un général), qui sont accompagnés de quelques lignes d'explications. Montrant un bons sens de l'observation, ils furent appréciés par les soldats de l'époque, qui retrouvaient leur quotidien et avaient besoin de cette approche humoristique.
Ils reflètent bien sûr les idées dominantes de l'époque, par exemple sur les soldats noirs, mais ils ne sont pas exempts d'un regard critique, quand le dessinateur nous montre le confort des officiers dans une maison occupée, et la situation beaucoup moins enviable de la troupe dans les dépendances.
Beaucoup de soin a été porté à cette édition avec des introductions et une postface permettant de bien comprendre le contexte de création, et des légendes particulièrement soignées.

Yasuke (Frédéric Marais)

note: 4Yasuke Christiane - 13 mai 2017

Un très bel album, une très belle histoire, celle d'un jeune esclave africain au 17e siècle, qui deviendra un samouraï au Japon, le seul samouraï noir. C'est aussi une histoire authentique, le héros a existé (nous connaissons son histoire par la relation faite par des Jésuites). L'album en donne bien sûr une image idéalisée, mais ce qui est intéressant sont les valeurs développées : le courage du jeune garçon, qui au départ, n'a même pas de nom, et qui le pousse à partir dans l'inconnu. Sa patience aussi, comme marin sur un bateau, temps d’initiation, et enfin sa capacité d'apprendre une technique de combat difficile, et sa fidélité à son protecteur.
Les jeunes pourront facilement s'identifier à ce héros positif, différent aussi, très malheureux au départ, mais qui a le courage de construire son destin. Sa récompense : une vie bien remplie, et la reconnaissance de son parcours exceptionnel.
La simplicité et la brièveté du texte rendent l'histoire facilement accessible, et la beauté des illustrations - j'ai aimé particulièrement la magnifique gamme de couleurs utilisées - contribue à l'émotion que peut déclencher cette belle histoire.
Les plus grands pourront avec profit explorer Internet pour en savoir plus sur le vrai personnage : ce peut être aussi un éveil à la pensée critique par la découverte d'informations différentes.

Le bateau-usine (Takiji Kobayashi)

note: 1Le Bateau-usine Christiane - 13 mai 2017

Une perle de la littérature engagée, à découvrir absolument, malgré sa couverture peu attrayante. D'abord pour le destin particulier de ce livre, dont l'auteur a été assassiné à 29 ans pour ses idées révolutionnaires. Mais les écrits de cet intellectuel engagé ont pu vivre, au Japon d'abord, et très récemment dans le monde entier (la traduction française date de 2009). Ils ont même connu un regain de notoriété, car ils ont retrouvé dans le libéralisme sauvage une triste actualité.
On pouvait craindre le pire d'une démonstration de la nécessité et de l'efficacité de la lutte unie de pêcheurs japonais contre l'exploitation, ou craindre aussi le côté couleur locale, éloigné de notre univers culturel : il n'en n'est rien. L'écriture de ce (court) roman est universelle et reste moderne. Elle a un côté très cinématographique, va à l'essentiel. Si les thèmes évoqués sont poignants, le récit reste sobre. C'est le roman admirablement maîtrisé d'un très grand auteur, qui peut traverser les lieux et les époques.

Un grand cerf dans sa maison par la fenêtre (Thierry Dedieu)

note: 1Un grand cerf dans sa maison par la fenêtre Christiane - 26 avril 2017

4 nouveaux titres dans la collection "Bon pour les bébés", animée par Thierry Dedieu. Ces albums ne doivent rien au hasard :
On s'est aperçu que les bébés ne percevaient pas les couleurs dans les premiers mois, aussi le noir et blanc, fortement contrasté a été retenu. Ils aiment aussi les grands formats qui se prêtent bien à la lecture. Surtout, ils sont très sensibles à la musicalité des phrases, qu'ils peuvent apprécier, même s'ils n'en saisissent pas le sens.
D'où l'importance des comptines pour l'apprentissage de la langue. Et le grand cerf chanté dans toutes les colos est un grand classique, comme la souris verte, et l'empereur, sa femme et le p'tit prince.
Des textes plus improbables sont aussi choisis, comme le bulletin météo marin, ou la tirade théâtrale du "nez" de Cyrano !
Étonnant, amusant, à partager par tous (essayez tas de riz tentant, tas de rats tentés...), c'est une très belle initiative éditoriale, à découvrir par les jeunes parents.

Oeuvre non trouvée

note: 1Pline n° 1, L'appel de Néron Christiane - 26 avril 2017

Après s'être intéressée aux thermes romains ("Thermae Romae"), l'auteure de ce manga poursuit son évocation de l'Antiquité romaine avec la vie de Pline l'ancien, savant et écrivain.
Cette nouvelle série a les mêmes qualités : bonne documentation historique, élégance des dessins, intrigue bien menée avec aussi de l'humour.
J'ai bien aimé la variété des personnages secondaires, serviteurs de Pline ou grands personnages de l'histoire comme Néron. Et c'est plutôt amusant de découvrir l'ambitieuse Poppée, favorite de Néron sans scrupules, sous les traits d'une jeune personne avenante au minois un peu japonais... Les thèmes comme l'importance des thermes, les tremblements de terre et le volcanisme sont aussi très communs dans l'Italie antique et le Japon contemporain !
Une série que j'aurais plaisir à suivre : on s'habitue très vite à la lecture "à l'envers", et on sent que l'histoire, qui comporte des éléments dramatiques, saura toucher.
Dans ce premier volume, le décor est planté, et on attend l'irruption dans l'histoire de l'inquiétant Néron.

J'ai vu une fleur sauvage : l'herbier de Malicorne (Hubert Reeves)

note: 1J'ai vu une fleur sauvage Christiane - 16 mars 2017

Le nouveau livre publié par l'astronome bien connu ne concerne pas les étoiles, mais les fleurs sauvages dans nos campagnes, "un des domaines les plus admirables de la nature."
En plus d'être un scientifique remarquable et pédagogue, Hubert Reeves est un humaniste complet, sensible à la beauté, l'harmonie et la qualité de l'environnement.
Le sous-titre du livre est "L'herbier de Malicorne" : les photographies de fleurs présentées viennent en effet quasiment toutes de cette propriété rurale de Hubert Reeves, qui est située en Bourgogne. Elles sont accompagnées chacune d'un commentaire de l'auteur, "un clin d’œil, rien de technique", et c'est justement ce qui fait l'intérêt de l'ouvrage, comparé aux innombrables flores existantes. C'est une approche sensible, facile pour tous, mêmes les non-scientifiques, qui fait rêver et réfléchir. On peut aussi, selon les conseils de l'auteur, y revenir plusieurs fois, y naviguer en tout sens, et se familiariser et mieux connaître les trésors méconnus à nos pieds.
On pourra aussi visiter le site Internet.
Le livre et la démarche de Hubert Reeves sont tout à fait remarquables, et on peut lui en être reconnaissant pour nous permettre de la partager. C'est aussi une belle leçon de vie :
Certains loisirs coûtent très chers et ne sont guère accessibles à tous, mais regarder les étoiles, et regarder à ses pieds, c'est gratuit et enrichissant !

Björn : six histoires d'ours (Delphine Perret)

note: 1Björn : six histoires d'ours Christiane - 3 mars 2017

Cet album a reçu un prix au Salon du livre de jeunesse de Montreuil : il comporte 6 petites histoires de Björn l'ours, illustrées de simple dessins minimalistes en noir.
Björn vit dans la forêt avec quelques amis animaux, "il lui arrive toutes sortes de choses. Parfois aussi, il ne lui arrive rien." Les histoires sont tendres, malicieuses, très contemporaines aussi comme celle où il apprend par un courrier qu'il a été tiré au sort pour gagner un canapé 3 places. ces textes courts, avec des mots simples, sont cependant très subtils et suggèrent beaucoup de choses : c'est une excellente littérature pour enfants (et pour tous) qui charme et emmène dans un univers fantaisiste, mais joue aussi sur l'identification et la réflexion.
C'est aussi un type d'album qui attirera peu spontanément les enfants, à cause de sa présentation (les dessins en noir) : par contre, si un adulte leur raconte les histoires, même très jeunes, je pense qu'ils adoreront et que ces récits leur seront très profitables.

Christiane

La magie des ombres chinoises : 75 figures et tous les conseils pour les animer (Les black fingers)

note: 1La Magie des ombres chinoises Christiane - 28 février 2017

Savez-vous ce qu'est "l'ombromanie" ?
Plus connue sous le nom "d'ombres chinoises", c'est l'art de former des ombres avec les mains. Il faut simplement une surface blanche et une source de lumière... et savoir placer ses mains avec art.
Les Black Fingers, très connus pour leurs spectacles talentueux nous livrent les clés de 75 figures, animaux ou autres, et tous les conseils pour les animer, dans ce joli volume en bleu et blanc.
Un très bon livre sur un sujet connu mais peu traité, et qui pourra donner des idées pour des animations magiques à peu de frais.
On pourra aussi consulter le site Internet des auteurs, avec des vidéos en ligne.

Les Beatles, la totale : les 211 chansons expliquées (Jean-Michel Guesdon)

note: 1Les Beatles, la totale : les 211 chansons expliquées Christiane - 23 février 2017

Un coup de coeur pour ce gros livre, énorme travail rédigé par deux spécialistes de la musique. Et même un triple coup de coeur, puisqu'on trouve dans la même collection l'ensemble des chansons des Rolling Stones, ainsi que de Bob Dylan.
Fans des Beatles, réjouissez-vous : vous saurez tout sur leurs chansons, avec en plus des photos historiques. Un index permet les recherches par titre précis.
A consulter, à regarder, à feuilleter en écoutant l'une des 211 chansons...

Oeuvre non trouvée

note: 4Coup de coeur de l'équipe Christiane - 3 février 2017

On le sait les chats possèdent 9 vies !
Bart est un chat américain qui va se retrouver en Asie... où les chats peuvent avant tout devenir de la nourriture.
Bart n'est pas un gentil petit chat, il aurait même tendance à dévorer les mains secourables.
Les dessins de ce petit album graphique sont un festival d'humour noir et tout le monde s'amusera beaucoup des aventures de Bart, dessinées avec légèreté et talent, et qui recèlent aussi pas mal d'observations justes et de questionnement.

Tout le Quai Branly : l'architecture, les civilisations, les chefs-d'oeuvre

note: 5Coup de coeur de l'équipe Christiane - 8 décembre 2016

Ayant eu l'occasion d'effectuer une visite - trop rapide – du musée du Quai Branly consacré aux arts premiers, j'ai lu avec intérêt cette publication éditée à l'occasion des 10 ans de ce musée voulu par Jacques Chirac.

Sous une forme résumée, ce document de prix assez modique (13 €) offre des précisions sur la genèse du musée et sa conception, sur le bâtiment et les jardins, concept très original, et enfin sur les oeuvres et les civilisations représentées. On aborde tour à tour l'Océanie, l'Asie, l'Afrique et les Amériques.
Avec beaucoup de clarté, mais aussi avec une rigueur scientifique exemplaire, les commentaires initient à ces cultures qui nous sont complètement étrangères. Ils le font avec beaucoup de pédagogie, ce qui rend l'ouvrage accessible à tous, en allant à l'essentiel, mais aussi avec beaucoup d'intelligence pour nous faire saisir les enjeux de ce musée, qui sauve et valorise des oeuvres d'art.
L'iconographie de ces dernières est superbe : on ne se lasse pas de les admirer après les avoir mieux comprises grâce aux explications.

Ce catalogue est une vraie réussite en condensant autant d'informations assimilables par des non-initiés comme moi, (qui autrefois a pu considérer des masques africains ou totems comme autant d'épouvantails !).

Bref cette approche des différences de culture a constitué un grand enrichissement et une ouverture sur la diversité.

Le pôle magnétique (Jean-Yves Plamont)

note: 5Coup de coeur de l'équipe Christiane - 30 novembre 2016

Il faut bien le reconnaître : en dehors de quelques passionnés, nous sommes très peu à lire de la poésie, surtout la poésie contemporaine !

Après la venue du poète lillois Jean-Yves Plamont à la bibliothèque, pour une soirée conviviale avec Eric DEJAEGER (poète belge), où les deux auteurs ont interprété un choix de leurs textes, j'ai souhaité relire ce « Pôle magnétique » qui m'avait bien plu.
Non seulement je n'ai pas été déçue, mais j'ai encore mieux apprécié ces textes légers, bourrés d'humour et de jeux de langage subtils.

Au milieu des pingouins du Groenland, Diego est amoureux de Katarina... On ne sait pas très bien qui elle est, mais on la retrouve dans 2 autres poèmes : Écran de neige, et Tout feu tout glace. Quand on sait que l'auteur a aussi publié Pour mon ours blanc, on peut se dire que la banquise est une bonne source d'inspiration.
Il paraît que c'est du « néo pop nostalgique », je n'y connaît rien mais je le crois sur parole, l'essentiel c'est qu'on s'amuse bien dans le Groenland du poète, et que plus on le lit, plus on l'apprécie.

Guide des égarés (Jean d' Ormesson)

note: 5Coup de coeur de l'équipe Christiane - 29 novembre 2016

Sur la couverture de ce petit livre, l'académicien pose, mais l'oeil est narquois. Parvenu au soir de sa vie, en vieux sage, il livre quelques vérités sur l'essentiel de la vie.

Grand humaniste cultivé, il a emprunté le titre de ce « manuel de savoir-vivre » au philosophe Maimonide. Ce sont des textes courts sur les notions les plus essentielles pour l'humanité : le temps, le bonheur, la mort, la justice, la beauté... pour n'en citer que quelques unes.
La lecture en est agréable et facile, car le style est limpide, et le ton léger. Depuis longtemps notre auteur nous a fait partager son goût de la belle langue française, et en homme familier des média, il sait se mettre à la portée de tous.

Mais ne nous y trompons pas : comme Matisse qui cultivait selon sa secrétaire Lydia Delectorskaya « l'apparente simplicité », les pensées de ce petit livre sont très profondes et méritent d'être lues, méditées, et relues.

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